Cadeau !! Monsieur Rusigby, la plume des coulisses du rugby amateur

Nombre de messages : 3807 Date d'inscription : 10/08/2008

Souvenirs de retour…

Aujourd’hui, on retourne encore un peu dans le passé et dans la nostalgie. Parce qu’en général vous aimez bien et que moi aussi un peu quand même…
On retourne à l’époque ou il n’y avait pas beaucoup d’autoroutes et où il nous fallait prendre les Nationales pour les matchs à l’extérieur. On traversait des petites villes et des villages, et au retour, vu qu’on ne parlait pas trop de ces histoires d’amplitudes horaires pour les chauffeurs, on pouvait s’arrêter boire un coup dans un de ces petits bistrots ouverts les dimanches soir. On arrivait un peu tard et des fois on en ressortait très tard. Des fois même, on retrouvait d’autres équipes et c’était la garantie de soirée prolongée, de chants et pourquoi pas, de premiers contacts pour les futures mutations. Et quand sur la route, tu trouvais un bar d’ouvert, avec en plus un parking suffisamment grand pour garer le car, c’était parfait.
Y en a un qui était impeccable pour ce genre d’expédition. Un petit bistrot de village tenu par une petite mémé au caractère bien trempé. Un petit bistrot ouvert du moment ou la patronne se levait et jusqu’à ce qu’elle se couche. Un bistrot typique, vieillot, avec la tête de sanglier empaillée réglementaire accroché à un mur et l’étagère de rigueur pour les coupes et trophées de quelques concours de pétanque. Même ouvert, quand il n’y avait personne, la mémé restait dans son arrière cuisine et regardait la télé.
Et c’est là qu’on arrivait : 50 bonhommes d’un coup débarquaient dans le troquet avec l’objectif de vider les futs et tout le reste tout en refaisant le match. La patronne qui en avait vu d’autres sortait de l’arrière cuisine, soufflait en voyant l’affluence soudaine et prenait toujours la bonne décision. Elle regardait chacun sans rien dire et après une rapide étude du cheptel expliquait :
- Toi et toi, vous m’avez l‘air plus dégourdi que les autres, donc vous servirez les tournées. Toi et toi, qui m’avez l’air sérieux , vous tiendrez la caisse. Moi, je retourne regarder mon feuilleton !

L’inconscient collectif…

Hou putain ! vous vous dites que Monsieur Rusigby a pété une durite et qu’il se lance dans de la psychologie analytique. Tout doux les copains…. On n’en est pas encore là. Disez pas n’importe quoi.
Mais alors pourquoi ce titre qui peut faire peur aux analphabètes, soit la majeure partie de mes lecteurs ? Parce que voilà, et surtout Parce que, parce que…
Mais l’inconscient collectif, c’est parait-il un fonctionnement humain qui fait qu’à force de faire croire certains trucs à plusieurs personnes, on finit par tous y croire. Et comme j’en vois certains qui froncent les sourcils, je vais vous donner quelques exemples, qui vont vous parler mieux que la définition : par exemple, il est dit et redit que les jaunards sont les rois des défaites en finale. Evidemment, si on regarde que les chiffres, on peut se dire que ce n’est pas tout à fait faux. Mais du coup, on en oublie leur deux Brennus, leurs titres européens et leurs titres en Du Manoir, pour se focaliser uniquement sur leurs défaites en finales. Ceux qui ont perdu contre ces mêmes jaunards avant la finale s’en contentent et doivent s’en rassurer, même si, j’en suis sûr, auraient malgré tout bien aimer perdre en finale eux aussi (ça aurait voulu dire qu’ils y étaient, ce qui n’était forcément pas le cas.)… Il y aurait plein d’autres exemples de ce style pour se dire, qu’à force d’écouter et d’entendre la même chose tout le temps, on finit par y croire….
Ben chez nous c’est pareil. Quand je dis chez nous, je veux bien sûr parler des mauvais noirs. On n’arrive toujours pas à se débarrasser de notre image de plus petit que les autres. De l’extérieur, lire un truc pareil, j’imagine que ça doit bien faire rigoler. Mais je sais pas si c’est à force de se dire entre nous que les autres sont plus forts, plus costauds, plus riches, plus soutenus, plus tout ce qu’on veut, qu’on en oublie qui nous sommes et de quoi nous sommes capables. Ici, on aime bien être impressionné, passer pour un petit et se dire que si on gagne, c’est qu’on a eu, soit du bol, soit un esprit plus solidaire qu’en face… Ben c’est faux ! On n’est ni mieux et surtout ni moins bien qu’ailleurs. On n’est pas moins solides qu’ailleurs, on n’est pas moins riches qu’ailleurs et on n’est surtout pas moins soutenus qu’ailleurs aussi.
On est juste au niveau qu’on doit être, sans rien ne devoir à personne, et c’est tout sauf de la chance ou de l’heureux hasard. Je sais bien que les autres le savent, mais chez nous, ça serait maintenant le moment qu’on s’en rende compte…. Pourtant, dans notre inconscient collectif, on pense toujours l’inverse et que, comme dit l’expression, l’herbe est plus verte ailleurs… Et, ailleurs, des fois, ils aimeraient bien être à notre place…

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Les causes perdues de Monsieur Rusigby..

L’autre soir bringue… Rien qu’avec des gens bizarres. Bizarres du genre qui n’y connaissent rien au rugby. Je savais même pas que ça pouvait exister des gens comme ça ; Mais il parait qu’il faut de tout pour faire un monde (et rien pour faire un tiers-monde).. Alors, tu discutes avec eux parce que t’as quand même un peu d’éducation. Tu écoutes, tu fais semblant de t’intéresser à des conversations ou il n’est jamais question de troisième mi-temps, de bagarres générale, de matchs de légende et de c’était mieux avant. Et puis arrive le moment où on te remarque et où on te demande ce que tu fais dans la vie. J’ai bien eu envie de répondre que je faisais ce que je pouvais, mais j’ai pas eu le temps. Un gars que je connaissais s’est empressé de répondre à ma place que j’écrivais des livres. Ho putain, t’es écrivain ? Heu oui, mais non, c’est pas des vrais livres, c’est des livres de rugby. Là, d’un seul coup c’est presque la stupeur dans le groupe. Des livres de rudby ? Ça existe ça ? Ben ouais, puisque c’est moi qui les écris. Et une fois de plus, je suis incapable de raconter ce que j’écris. C’est pas des souvenirs, c’est pas des compte-rendu non plus, c’est pas des romans, c’est…. Des chroniques sur ….J’en sais rien. Après tout, le mieux, c’est que t’ailles dans une librairie et que t’achètes un de mes bouquins pour te faire une idée et après tu me diras.
Et au milieu de ces gens, t’en as forcément un qu’est plus curieux que les autres. Plus intrigué que curieux d’ailleurs. Pour lui le rugby c’est un truc de bourrin, vaguement un sport de brute et beaucoup une excuse pour se mettre sur la gueule avec un ballon. J’enfile illico ma robe d’avocat du rugby et m’en vais lui expliquer ce sport, sa philosophie, ses règles, sa complexité, son histoire. Mais là, le gars m’arrête et me dit que ça l’intéresse pas, qu’il aime pas le sport et encore moins la lecture, que lui son truc c’est les chiffres et que d’ailleurs il est prof de math.
Ah ouais, t’es prof de math. T’aime que les chiffres. Alors je vais t’expliquer le rugby par les chiffres, tu vas voir que t’y comprendras pas mieux, mais tu comprendras que pour jouer au rugby, faut être un peu plus fort en math qu’un prof de math. Bouge pas !
Le rugby, c’est 50% de physique, 50% de tactique et 50% de mental, et ce qui reste, c’est pour la décoration.
L’essai vaut 5 points, la transformation 2 points, la pénalité qu’est comme une transformation vaut 3 points et le drop qu’est pas du tout comme une pénalité vaut quand même 3 points. Quand tu gagnes un match t’as 4 points, sauf si tu gagnes avec plus de 3 essais d’écart, ou là, t’as 5 points. Si t’es au niveau international t’as 4 points si tu gagnes, sauf si tu marques 4 essais ou plus, ou là t’as 5 points.
Si tu perds, c’est un peu plus simple, t’as zéro point quand tu perds de plus de 5 points en pro ou de plus de 7 points en amateur, mais tu peux aussi avoir un point si t’as marqué au moins 4 essais et que t’as perdu quand même… Hein ? Quoi ? C’est toi qu’est perdu ? Ben voilà, je te l’avais dit ! C’est pas un sport pour tout le monde. Et encore, là, tout de suite, je suis en train de t’expliquer quelques règles, mais vu que ça fait au moins 4 heures qu’on est là, si ça se trouve, pendant qu’on discutait, les instances du rugby mondial ont inventé d’autres règles et d'autres façons de compter. Tu sauras que dans ce sport, faut rester vigilant, sur et en dehors du terrain..

Jeune.

C’est pas grave jeune, c’est que du rugby. T’as essayé, tu y as cru. T’as pensé que peut-être tu pouvais percer, que tu pouvais en faire ton métier. Mais c’est pas grave. Ils ne te gardent pas. Ils te l’ont dit comme ça, sans forcément prendre des pincettes. Sans forcément mettre les formes. Tu faisais pas la maille. Trop léger, trop lent, pas assez de marge de progression. On peut pas te prolonger.
Tu garderas la dotation, le short, le maillot, le survêt et la doudoune. Ça te fera un souvenir. Tu garderas aussi peut-être des potes. Mais l’important, c’est le rugby et ils ne t’en ont pas dégouté. Alors tu retourneras d’où tu viens et tu retrouveras le plaisir de jouer, le plaisir d’être titulaire, le plaisir des troisième mi-temps avec tes copains de toujours. Tu retrouveras le gout du jeu et peu importe le niveau. Quoi ton père ? Quoi tes parents ? T’inquiéte que non, tu les as pas déçu. Ils t’aiment toujours et ils sont fiers de toi. Que tu retournes dans ton club de toujours ne peut qu’être une fierté pour eux. Je te l’ai dit tout à l’heure, l’important, c’est le plaisir, c’est pas le niveau. Terminé l’internat. Tu retourneras dans ton lycée, et vu comme je te connais, tu te gêneras pas pour faire le tchik-tchak et la chistera devant les copines qui viendront voir les matchs.
Bonne route gamin, et oublie pas : c’est que du rugby.
A tous les mômes qui y ont cru et qui retourneront dans leur club de cœur à la fin de cette année.

Ambiance.

Afficher ses couleurs, supporter, encourager, pousser derrière, chanter et motiver son équipe. Être ce que les spécialistes appellent le 16ème homme.
Encourager sans cesse, sans répit, pour rebooster, redonner de la force.
Mais encourager SON équipe. Se foutre des autres d’en face, qui doivent aussi en faire de même. Encourager son équipe, ses copains, et ne pas se soucier de l’adversaire.
Être pour son équipe et non contre l’adversaire. Oublier les « et ils sont où ? », et autres saloperies entendues de plus en plus souvent.
Faire les fiers, causer des valeurs, se sentir supérieurs aux autres, croire qu’ici c’est pas comme ailleurs et s’en rapprocher tranquillement au fil des dimanches.
Hurler contre, siffler contre, insulter, n’est pas encourager les siens. Et ce qui se passe sur le terrain doit rester sur le terrain.
Croire qu’on est au-dessus de tout ça. Penser que derrière la rambarde, on est plus fort et plus malin. Tout faux !
Un vainqueur, un vaincu et que le rugby reste une fête…
Afficher ses couleurs, supporter, encourager, pousser derrière, chanter et motiver les siens…Et les autres, on s’en fout.

H moins......

Les mecs de la première sont posés en grappe dans la tribune. Toujours à la même place, au milieu des remplaçants de l’équipe qui assure le lever de rideau. Le groupe de l’équipe Une regarde juste la première mi-temps du match. Evidemment, il y en a toujours un ou deux qui rentrent aux vestiaires un peu avant les autres pour engloutir le budget élasto du club en cachette avec la complicité du kiné, mais sinon le reste de l’équipe est déjà soudé. Et quand l’arbitre siffle les citrons, le capitaine se lève, les autres suivent, et c’est parti pour le grand mystère.
Faut quand même pas une heure pour enfiler un short, un maillot, et une paire de crampons !
Qu’est qu’ils foutent pendant tout ce temps qu’ils sont dans les vestiaires ?
Facile à comprendre : Ils se préparent, se chauffent, se concentrent…et des fois même, font pipi dans les douches. On appelle ça la motivation, et faut pas rire avec ça.
Le joueur rentre dans son match en rentrant dans le vestiaire. A partir de là, faut plus lui parler, faut le laisser faire et le laisser tranquille. Tous n’ont pas la même façon de rentrer dans le match, mais si c’est bien fait, y a plus besoin de rien. Toujours la même place, toujours le même ordre. Entre celui qui a besoin de s’isoler, celui qui a besoin de sentir les copains à coté, celui qui a besoin de silence et l’autre qui préfère la musique, celui qui met son short en premier et celui qui met d’abord ses chaussettes, celui qui se badigeonne de plein de pommades qui sentent bon ou qui puent, celui qui fait croire qu’il a déchiré son short et qui en a besoin d’un autre, alors qu’en vérité son vieux short, il l’a oublié chez lui, tout à l’air désordonné et pourtant tu reviens 15 jours après à la même heure et ça se passe exactement de la même façon pour le match d’après. Va comprendre.
Dans le lot, y a bien toujours un ou deux petits rigolos qui trouvent que tout ce cinéma pour juste un match, c’est pas très sérieux. En fonction du niveau ou tu joues, t’en a toujours au moins un qui n’en a rien à foutre et qui rentre dans le match une fois que l’arbitre a sifflé le début. Des fois ça marche, mais des fois, ça se voit qu’il a un peu bâclé son avant match. Quand il gueule « j’ai !!! » et qu’il l’a pas. Quand il annonce : « il est pour moi, inter » et qu’il se prend un vent de l’espace… Au moins, ça donne une occasion de parler de quelque chose de drôle au club house.
Mais de toute façon, ceux qui font croire qu’ils en ont le plus besoin de cette motivation, c’est les gros. Ceux-là, faudrait pas leur montrer des vidéos de quand ils se préparent… D’ailleurs, on en voit des fois de ces vidéos, et c’est pour le moins cocasse. Des grands coups de tronche, des grands coups d’épaule, des grandes gueuleries, pour se dire des choses qu’on s’est promises, alors que je m’en rappelle même pas. « T’es sûr qu’on s’est promis tout ça ? Je devais être saoul et il devait être tard. » On s’en fout, on leur marche sur la gueule, on les détruit, on les explose, on les passe au gyrobroyeur… Mais attention, à la régulière! On prend pas de pénalités, ils ont un buteur exceptionnel !!!! Le coach vient de prendre la parole. Le pilier, un des derniers grands prédateurs vivant en milieu naturel, n’arrive pas à comprendre pourquoi faut leur marcher sur la gueule à tous, alors que gyrobroyer juste leur buteur devrait suffire…… Un dernier coup de tête tous ensemble pour le plaisir et l’arbitre appelle tout le monde. Et à partir de là, ça rigole moins.

L’enfant de la balle

C’est ce petit bonhomme qui traine partout avec les grands. Il est tombé dedans quand il était petit. Son père est entraineur, joueur ou dirigeant et il l’amène partout avec lui. Le gamin a presque tous les droits. Il fait partie de l’équipe. Il est là les jours de match, en tenue de joueur, avec le même maillot que les séniors. Il rentre dans les vestiaires, regarde les joueurs se préparer, sort avec eux pour l’échauffement. Il court à leur côté. Il rend service. C’est lui qui va chercher les ballons ou qui ramasse les plots. Il suit l’équipe quand elle retourne aux vestiaires pour le dernier discours. Il écoute, enregistre, observe, se serre avec les gros, tape dans la main des trois-quarts. Et toujours avec un ballon dans les mains. Quand les joueurs sortent, il est le premier à les encourager, et dans le couloir qui mène au terrain, tous lui font un signe amical.
Le match commencé, il décroche vite. Il n’est pas spectateur, il est acteur. Il part donc retrouver ceux de son âge pour un match improvisé derrière les tribunes. Il surveille quand même le score. A la fin, il rentre sur le terrain pour féliciter ou consoler son équipe, et il retourne aux vestiaires avec eux. Il s’assoit, il a sa place et il écoute les commentaires, les blagues et les mots des grands. II aimerait aussi prendre la douche avec les autres, mais c’est pas possible. Il se demande quel gout ça peut avoir une bière après un match. Quand il sera grand, il fera tout pareil parce qu’il se rappellera de tout. Il n’a pas encore l’âge de trop trainer au club house. Juste un petit passage. Le reste, la vraie troisième mi-temps c’est le grand mystère, la légende. Il attendra d’être plus vieux pour savoir, demain y a école.
Puis l’enfant de la balle, disparait du groupe. Il devient ado et on ne le voit plus avec les séniors. Il joue avec son équipe, et reste avec sa bande. Il devient supporter, spectateur des grands, s’assoit en tribune, balance des vannes et toujours avec ses potes.
L’enfant de la balle, réapparait au début d’une nouvelle saison. Il est devenu sénior, joueur en équipe première ou réserve de son club de toujours, et il peut maintenant vivre et mettre en pratique tout ce qu’il a vécu quand il était môme.
Des comme ça, y en a partout…enfin j’espère

Soigneur (délivrez nous du mal).

Dimanche y a match. Et tout le monde le sait, le dimanche, c’est le jour du soigneur.
Alors, attention danger ! Un soigneur dans des équipes comme les nôtres, ça donne pas forcément envie d’avoir mal quelque part. C’est d’ailleurs tout le privilège et le charme d’en avoir un sur qui on peut compter si on a besoin de rien. Dans les matchs de la télé, c’est pas pareil. Le soigneur est un vrai pro et d’ailleurs, c’est marqué sur son chasuble en bien gros pour qu’on le remarque mieux. Des fois, il a marqué « medic » dans le dos, et il doit se tenir toujours prêt à intervenir dès qu’un joueur reste au sol. Par contre, faut généralement bien prévenir le soigneur, que « medic », ça veut dire : médecin, soigneur, équipe médicale, mais surtout pas médicaments. Et des fois y en a qui oublient un peu. Plus bas, le soigneur se reconnait avec un S sur le bras. Et là, pareil, le S veut dire soigneur ou soin, mais pas seringue.
Dans un club amateur, on ne demande pas de diplômes ou d’expérience. On demande juste un bon gars, libre les dimanches à la maison comme à l’extérieur, qui sait à peu près faire la différence entre une fracture ouverte tibia-péroné et une arcade explosée, qui sait gérer un stock d’elasto et qui arrive encore à courir sans que le public se moque trop. Pas mieux.
Chez nous et surement comme chez vous, ça se bousculait pas au portillon pour devenir soigneur officiel des séniors. Y avait bien un ancien pilier des années rock’n roll qui s’était proposé, mais quand le bureau directeur lui a demandé s’il avait de l’expérience, notre bourru a répondu avec assurance : « 15 ans d’équipe première ! 15 ans à droite ! Je me suis à peu près tout cassé ce qui peut se casser sur un rugbyman : le nez, les épaules, les cotes, les genoux, les chevilles, les doigts, les dents ! » Le président a murmuré un : « Et la tête, alouette » blasé et n’a pas retenu sa candidature.
Mais les chefs du club, ne sont pas chefs pour rien. Grâce à leur malice et à leur intelligence, ils ont su piéger l’homme providentiel. Un intellectuel en mal de reconnaissance. Un homme de lettre toujours prêt à rendre service. Le président l’a convoqué dans son bureau et lui a demandé cash : « Je suppose qu’un homme comme toi, avec ton passé d’enseignant, sait ce que veut dire panser et bander ? ». L’homme un peu flatté s’est mit à rougir en tentant de faire son modeste : « Bien sûr Monsieur le président, je pense (donc je suis), et malgré mon âge certain, Dieu merci, je bande encore ». Très bien ! Top là ! A répondu le président soulagé. « Puisque tu sais faire les pansements et les bandages, je te nomme officiellement soigneur des séniors. Affaire conclue ! »

Les vieux.

Dans n’importe quel club, qu’il soit gros ou petit, t’as toujours un ancien qui fait office d’historien officiel. Il garde tout et surtout collectionne les articles de presse qu’il range dans des petits classeurs ou des cahiers en fonction des saisons.
Et là, le gars, en relisant ses vieilles coupures, il retombe sur l’année de la montée en deuxième division, année historique pour son club et comprend que ça fait pile poil 50 ans que c’est arrivé. Rududju, faut faire quelque chose. Il y était dans cette équipe. Il se rappelle de tout. 50 ans ! Un demi-siècle ! On voit pas le temps passer. En fouillant et en se renseignant, il comprend en plus que tous les mecs qui ont vécu l’aventure sont encore vivants. Aucun n’a encore levé les crampons, même pas le coach qui a pourtant largement dépassé les 90 berges.
C’est décidé, il va contacter tout le monde. Maintenant, avec l’internet, les réseaux sociaux, le facebook (truc de vieux) et tout le reste, ça va pas être bien compliqué. Et ça ne l’a pas été. En moins d’une semaine, l’affaire a été pliée. Reste plus qu’à trouver une date et un lieu.
Pour la date, le mieux c’est de trouver un dimanche de jour de match à domicile pour l’équipe première actuelle, ça fera l’occasion de prendre l’air après le repas. Mais attention, faut bien choisir. Pas pendant les vacances scolaires, y en a qui sont de garde des petits enfants. Pas pendant qu’il fait trop froid non plus, faudrait pas choper le topia à nos âges avancés. Au printemps, ça sera pas mal.
Pour le lieu, pas compliqué. Au club-house. C’est facile d’accès, à côté du stade et en plus, y a encore des vieilles photos accrochées au mur qui rappellent cette époque. On pourra se revoir quand on était jeune. Nickel !
Par contre, et même pour ceux qui viendront de loin, on fait comme avant, on reste entre poilus. Milou, l’a toujours dis : « pas de femmes dans les westerns. C‘est la règle. »
Résultat, le dimanche de la date choisie, tous se sont retrouvés. Certains venaient de loin, d’autres n’avaient jamais bougé et étaient encore au club. Un vrai plaisir de les revoir tous réunis. Une photo remake officielle de l’avant match d’il y a 50 ans plus tard, de l’apéro jusqu’au digeo, devinez de quoi ils ont parlé nos légendes ? De rugby ? Un peu. Mais surtout, de rhumatismes, de prothèses de hanches, de genoux tout neufs, d’opération de la prostate, de douleurs ici ou là, de vieilleries en tous genres, de marche nordique et de ballades avec le chien. Les plus solides évoquèrent quand même quelques sorties à vélo.
A l’époque, on leur disait qu’ils feraient de vilains vieux. C’est ce qui est arrivé, mais des vilains vieux heureux d’être ensemble et de se remémorer leur belle jeunesse.

Cons !

J’ai essayé de trouver autre chose : bêtes, idiots, stupides, abrutis…. Mais pas moyen, le bon mot est bien : cons.
Cons comme des valises, comme des manches, comme des paniers percés. Voilà qui nous définit bien, nous autres rugbymen de tous niveaux. Cons, mais respectueux. C’est ça qui fait la différence.
Dans la vraie vie, et c’est souvent ça qui est drôle, on est plutôt des gens honnêtes, travailleurs, calmes, parfois même instruits et intelligents. Et puis badaboum et patatra : l’arbitre vient de siffler le début du match. A partir de ce moment-là, on devient con comme tout, on réfléchit plus, on laisse le cerveau dans la caisse à outil et on ferme le vestiaire à double tour pour bien être sûr. 80 minutes durant, on n’est plus le même et on n’a plus la même logique. On fait partie d’une équipe. On est une équipe. On se retrouve à défendre un coéquipier qu’on n’apprécie pas forcément, contre un mec d’en face qui peut être notre meilleur pote dans la vie. On peut se prendre un coup de tronche par un mec avec qui on a mangé la veille. On saura titiller un adversaire parce qu’on connait ses points faibles, vu qu’en vérité, c’est ton frangin.
Et le mieux, c’est qu’on se fera vouvoyer par un arbitre qu’on appellera Monsieur l’arbitre, alors que le mec avec son sifflet, c’est ton meilleur associé de bringue.
Mais c’est le match, c’est la compétition, c’est la règle : les adversaires sont des cons, tes coéquipiers sont tes frères, et l’arbitre a toujours raison.
Finalement si comme le dit San Antonio : « il y a plusieurs façon d’être con, mais le con choisit toujours la pire. », chez nous dans notre petit monde ovale, on a surement choisit la meilleure…

A retrouver dans le livre: Monsieur Rusigby, au bureau ovale de la saison blanche (éditions de La Flandonniére)

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Merci Iffic pour animer la Tanière, dans cette intersaison, avec ces histoires savoureuses

De rien, je ne fais que poster les écris, que j'adore, d'un homme qui à la grande gentillesse de nous le permettre ! J'espère simplement qu'en retour il a eu une augmentation de ses ventes, ce qui est bien mérité !

On en trouve sur de nombreux sites (par exemple Decitre trois sans frais de port).
Par contre ceux qui sont épuisés sont proposés d'occasion souvent plus cher que les neufs Crying or Very sad

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"Il est libre...":

Intersaison et anticipation.

Parce que je suis gentil (et expérimenté), je vous le dis maintenant afin de vous éviter quelques tracas. La saison est terminée et la prochaine débutera à peu prés avec le premier entrainement fixé au premier lundi du mois d’aout. Ce jour-là, ce sera pour quasiment tous les clubs amateurs le retour au stade après près de deux mois de trêve bien méritée, et les entraineurs souhaiteront reprendre tranquillement en proposant 3 séances hebdomadaire (par semaine rajouteront les plus tatillons), afin de bien re-sculpter ces corps d’athlètes laissés plus ou moins à l’abandon durant le début d’été. 3 séances jusqu’au début de championnat. C’est ainsi que ça marche un peu partout.
Il sera alors grand temps pour les joueurs de se préoccuper de leur sac de sport. Ou est-il ? La voilà la vraie question. La dernière fois, c’était pour le dernier match de championnat. Victoire, défaite, peu importe. C’était la fin de saison, alors on s’est fait une bonne dernière chouille de troisième mi-temps et on a oublié tout le reste. Et le sac de sport, la caisse à outil est devenu le dernier des soucis. Il est resté quelque part, au fond du garage, dans le coffre de la bagnole, voire au club house pour les puristes. Les affaires jetées dedans en boule sont restées telle qu’elles. Enfin non, pas tout à fait. Si, comme je le pense, le sac est resté bien fermé durant ces deux derniers mois, son intérieur ne sera pas en manque d’exotisme. Le maillot mouillé aura eu le temps de s’acoquiner avec les chaussettes aux odeurs multipliées et ce mariage donnera ainsi un joli mélange de couleurs défraichies par l’acidité de la sueur déshydratée. La serviette de bain encore humide aura cultivé quelques bonnes bactéries nourries à la chaleur estivale et au renfermement. Les protections en tout genre seront couvertes d’une moisissure naissante aux reflets bleus qui pourront donner envie de reprendre une tartine de fourme d’Ambert.
Mais le plus beau restera à venir pour qui à la main verte. Les chaussures à crampons auront gardé de la dernière rencontre quelques traces de bonne terre du terrain. Bien posée au fond du sac et nourrie à l’humidité des vêtements, cette terre aura su garder quelques graines qui, en deux mois auront pris le temps de germer pour donner naissance à des brins d’herbes jaunes et verts pâles qui ne demanderont qu’à se développer, si on sait en prendre bien soin en leur donnant juste un peu de lumière. Ce sera aussi l’endroit idéal pour développer la culture de champignons. Ce qui vous sauvera du ridicule d’ailleurs : vous ne parlerez pas de l’état de votre sac à personne, car tout le monde le sait, on ne donne JAMAIS ses coins à champignons.
Je vois déjà à la lecture de cette chronique, quelques joueurs amateurs ressentir les sueurs froides d’une vérité frappante. Mon sac ? C’est vrai, qu’est-ce que j’en ai fait ? Certains courent dans la maison à la recherche du dit sac. D’autres, plus téméraires, n’auront pas tenu jusqu’à la fin de la chronique, pour se jeter sur leur sac et l’ouvrir sans précaution aucune. Et après un Pshittt libérateur, laissant dissiper un air vicié qui pourrit l’intérieur de la baraque et qui donne une idée de la vie en fosse septique, ils ne pourront plus que constater les dégâts. Ce tas de chiffons collé-moisi-déteint et à l’odeur infecte est tout ce qui leur reste de souvenirs de leur saison dernière. Promis, l’année prochaine j’y fais gaffe et je sors mes affaires, direct en rentrant chez moi après le dernier match. C’est ce qu’il s’était aussi dit l’année dernière.
Voilà, il ne vous reste donc plus qu’un petit mois pour refaire entièrement votre garde-robe de rugbyman. Et si vous avez été vraiment courageux et que vous avez réussi à décoller le short des chaussettes et le maillot de la serviette de bain, vous avez donc aussi retrouvé par la même occasion, cette petite feuille A4 ou était écrit votre programme d’intersaison. Profitez-en pour le débuter, le mois d’aout arrive si vite.
De rien…

La dernière recrue.

La mieux, la plus rigolote, celle qu’on a tous eu un jour et surtout celle qui viendra jamais.
Des fois, c’est nous qui la contactons par ce qu’elle semble avoir un profil intéressant, par ce qu’on nous en a dit du bien et parce que surtout, on a besoin de renforcer au poste ou elle joue. Et après 200 coups de fil, un entretien au resto, une entrevue avec le staff sportif, des promesses (des eu côtés,), des négociations incroyables, elle nous lâche pour ailleurs. Là où ça a l’air mieux, plus près de chez lui, plus haut question niveau ou ambition. On y a cru et ça s’est finalement pas fait. Pas grave. Des fois, quand c’est vraiment drôle, la recrue en question rappelle d’elle-même la saison d’après parce que voilà, en fait, c’était pas tout à fait comme ils avaient dit et que finalement, chez vous….
D’autres fois, c’est directement le joueur ou carrément l’agent qui contacte le club. Là, inutile de vous dire que si on est contacté, c’est parce que : « votre club a particulièrement attiré l’attention de mon joueur, très intéressé par votre projet de jeu et votre ambition etc etc »… Projet de quoi ? On sait pas encore qui sera l’entraineur principal et on a dit et répété dans la presse que la saison prochaine on serait un peu dans l’inconnu… Si c’est ça que vous appelez ambition, pas sûr qu’on s’entende. Le mec il veut signer ici et il sait même pas ou c’est….
Et puis y a les champions du monde : Ceux qui viennent pas par ce qu’ils peuvent pas vivre loin de la mer et qui signent dans le Grand Est la semaine d’après. Ceux qui veulent du taf pour leur copine et le temps qu’on en cherche et qu’on en trouve, ils ont changé de copines. Ceux qui se rappellent plus et qui repostulent une deuxième fois dans la même semaine mais plus avec le même discours….
Mais c’est facile de taper sur les joueurs et ce serait tout aussi facile de rigoler des clubs qui recrutent à tour de bras avec des promesses du genre : la Pro D2 dans pas longtemps et qui se retrouvent rétrogradé pour des histoires de trop belles promesses et de trop jolies paroles..
On y es tous passé un jour ou l’autre..
Quand on recrute, j’te dis qu’il y aurait de quoi faire un livre à la fin de la période des mutations.

C'est tellement vrai

Mister Rousigbaille save the new player.

Si tout se passe à peu près bien, la nouvelle saison devrait commencer bientôt par les redoutables tests physiques. Certains ont même déjà commencé. Et, comme pour chaque nouvelle saison, un bon nombre de joueurs anglophones vont débarquer dans nos différents championnats. Certains vont venir par choix, d’autres parce que leur agent à renifler la bonne affaire, et d’autres pour des raisons d’études et de volonté de progression dans la langue de Molière (pour les anxieux, je rappelle que « langue de Molière » est une expression et qu’il n’est pas obligatoire d’avoir lu l’intégrale de Molière pour bien parler français).
Donc, des nouveaux joueurs vont débarquer en France avec leur sac de sport, leur paire de crampons, un contrat plus ou moins bien ficelé dans la poche et un niveau de français leur permettant de dire : bonjour, et je suis très content d’être venir en France ».
Vu que je suis gentil, je m’en vais illico leur donner deux ou trois bases du jargon rugbystique hexagonal qui leur évitera d’être moqué par leur coéquipier qui n’attendent que ça. Ici, on aime bien se servir de mots anglais pour parler le rugby, et quand on trouve qu’il y en a trop, on s’amuse à les traduire en français. Par exemple, up and under, en français si on traduit, ça veut dire : haut et bas. Pourtant en vrai, ça veut dire chandelle qui du coup ne se traduit pas par candle. Z’ avez compris le truc ? C’est comme ruck, en anglais ça veut dire mêlée ouverte, mais mêlée en anglais ça se dit scrum, et du coup, il faudrait dire : open scrum. Ben non, les anglais disent ruck.
Après, encore plus compliqué, il y a les expressions. Si la recrue a un peu bossé son français avant d’arriver, il est largement capable de lancer un : the hut fell on the dog (la cabane est tombée sur le chien), en cas de défaite imminente. Ses coéquipiers, pour peu qu’ils soient du cru, vont le regarder d’un drôle d’œil. Mais si t’en as un qui a fait un peu d’étude, il pourra peut-être lui répondre : « Don’t affole you, the flies will change donkeys », qui veut bien dire ce que ça veut dire, c’est-à-dire : « t’affoles pas, les mouches vont changer d’ânes ». C’est subtil non ?
Heureusement, il reste pour tout le monde la fameuse third half-time, que je sais pas comment on dit en anglais. La fameuse troisième mi-temps qui permet aux langues de se délier et aux plus timides de retrouver quelques bases d’anglais de leur premier trimestre de 6ème, ce qui facilitera largement une bonne communication entre la recrue anglophone et le joueur local. Mais attention ! Comme tout le monde la sait, il faut malgré tout savoir doser le breuvage : Une bière, permet de s’intéresser à la recrue. Avec deux bières, on peut lui faire comprendre d’un regard qu’il fait partie du club. 3, 4, 5 bières permet un début de conversation libérée et presque compréhensible pour les deux. Mais à partir de plus, le bon vieux gars français s’enflamme et parle à son nouveau coéquipier en américain, et là, le type, tout anglophone qu’il est, il y peut pas grand-chose et il comprend plus rien.

Reprise,

Les canicules s’emballent, les réserves en eau diminuent et les verts et gras terrains espérés par le jeune rugbyman ambitieux sont déjà tout jaunes et tout durs. Ces petites gênes viennent donc s’ajouter à la déjà longue liste des désagréments que suscite une reprise digne de ce nom.
Parce que bien évidemment, si le tortionnaire local qu’on peut aussi appeler gentiment : préparateur physique, a bien fait son boulot, il aura envoyé en fin de saison dernière, un joli programme d’intersaison, que le joueur encore habitué aux cahiers de vacances que ses parents lui achetaient quand il était môme, a bien commencé, mais n’a jamais terminé. Résultat : le premier entrainement est une véritable séance de torture. La chaleur lui tape sur les tempes, les souffle est court, le cou et les épaules ont du mal à rester dans l’axe, les poumons brulent, les abdos…. Heu non rien…. Les hanches ont du mal à se décoincer, les genoux couinent déjà et les chevilles doivent supporter tout ce corps à l’article de l’implosion.
Et donc, comme si ça ne suffisait pas, la chaleur et la sècheresse viennent ajouter un peu de fantaisie. On ne pouvait quand même pas s’arrêter aux chevilles en ce qui concerne les douleurs : orteils gonflés et ampoules pile poil bien placées sous la voute plantaire, dans l’axe des crampons du dessous. Qu’est-ce que t’avais besoin de venir en crampon de 18 pour une reprise ?
Le bonheur total !!! Enfin non, pas tout à fait… Il ne manque que l’enrobage pour que ce bonheur soit parfait. Et grâce à la sécheresse, aux terrains secs et durs, les premiers contacts avec le sol rayent une pourtant si belle carrosserie, toute bien bronzée… ça va suer, ça va suinter, mais ça va payer !
Bonne reprise à tous.

Rugby des villages, rugby paysan..

Evidemment qu’il reste encore ici ou là, quelques clubs dont la spécificité est d’être particulièrement rural. Des clubs qui survivent tant bien que mal, souvent en série, avec une majorité de purs produits de la ferme. Certains jouent même plus par souci d’animation du village un dimanche sur deux que par passion du rugby.
Avant (quand c’était mieux), des clubs comme ça, il y en avait plein. D’ailleurs c’était peut-être même plus des équipes que des clubs, vu que ces clubs ne comptaient qu’une équipe, avec dedans, rien que du paysan, de l’agriculteur, du bucheron, du solide des fois un peu rougeot des joues et pour qui, il n’y avait pas besoin de séances de muscu pour les rendre un peu plus gaillards. Ça ne jouait peut-être pas vite, ça ne jouait peut-être pas technique, ça ne réfléchissait peut-être pas trop non plus, mais fallait se les fader les bourrus. Ils jouaient pour l’honneur du patelin, pour voir du pays et pour impressionner les filles. Pas douillets, rarement blessés (pas le temps), ils aimaient l’affrontement direct et tant pis pour les trois-quarts qui devaient se contenter des miettes en attaques et être irréprochables (voire plus) en défense. Le public souvent nombreux venait t pour la bagarre et pouvait même en être le déclencheur quand les joueurs des deux équipes préféraient prendre l’option jeu à l’option bataille rangée.
Mais pour l’entraineur, ne compter que des paysans dans son équipe, pouvait devenir un réel handicap en fonction des saisons. L’ouverture de la chasse en septembre pouvait entrainer un forfait en cas de match à l’extérieur. La saison des vêlages fatiguait les joueurs qui passaient plus de temps prés de leurs vaches que de leurs femmes, alors le rugby… Un vrai casse-tête…
Mais le pompon, restait quand même ces idiots de la ville qui demandaient à jouer exceptionnellement le samedi. Quand ça arrivait, l’entraineur devait changer ses plans et notamment avec Loulou, son joueur indispensable, celui avec qui il est difficile de faire sans. A cause de lui, on ne s’entrainait jamais le mercredi, parce que le mercredi, il amenait ses vaches au taureau et ses brebis au bélier…. Et le samedi, grand dieu, c’était pas possible non plus, parce que le samedi, il amenait sa femme au Mammouth…. Une autre époque….

Aaah le Mammouth de Laloubere

Gros !

Les susceptibles, les tendus du vocabulaire, les énervés de la bien pensance et les néo-wokistes en tous genre, passez votre chemin, cette chronique risque de chatouiller votre petit cœur et d’irriter votre susceptibilité. Vous qui êtes à l’affut du moindre faux pas pour mettre à terre celui qui ne pense pas comme vous et qui écrirait des choses horribles sur la couleur d’Untel, la religion de Machin ou le poids de Truc, allez voir ailleurs, parce qu’aujourd’hui, attention, on va parler des gros ! Hein quoi ? Vous avez dit gros ? Tout à fait !
Parce que déjà, gros c’est pas un gros mot. Surtout chez nous, les bourrins du rugby. Gros, ça veut dire : avants, ça veut dire 8 de devant et même s’ils sont pas tous gros ! On dit les gros pour devant et les gazelles pour derrière. Des fois, il arrive même que les gros, énervés par les maladresses des gazelles les traitent de danseuses. Et comme les gazelles ont peur des gros, elles disent rien. C’est la loi du plus fort et c’est comme ça que ça marche.
Mais gros, c’est encore autre chose, et quand les parents d’un jeune cadet se rendent pour la première fois au match de leur enfant, ils leur arrivent d’être choqués par des encouragements tels que : « allez gros, c’est ton match aujourd’hui ! » ou bien : « Ouais gros », « bieeeen gros »… Là, les parents, enfin surtout la maman (parce que le père, ça le dépasse toute ces histoires), elle comprend pas trop le principe. D’abord son fils il est pas gros, et quand bien même il le serait un peu, c’est pas trop un truc à lui rappeler en public. Sauf que pas là. Le gamin, il dit rien. Pire, il dit : « oui, ok, j’ai compris, t’inquiètes. »
Encore un mystère de ce sport. Surtout qu’un peu plus tard, un ragnolo de même pas 50 bornes rentre sur le terrain et la maman de tout à l’heure, elle entend les mêmes encouragements : « Allez gros, etc etc.. ». Là, elle comprend encore moins, parce qu’autant son fils, bon, effectivement que peut-être il est un peu en surpoids, mais l’autre crevette qui vient de rentrer : pas du tout ! Elle se dit alors que ça doit être un code, une façon de parler entre rugbyman. Ils s’appellent tous gros entre eux, ça doit être ça. Pis des fois, le terme gros est remplacé par Bro, qui est le raccourci de brother, de frère en américain. Alors peut-être qu’en fait, elle a mal entendu, et qu’ils s’appellent Bro entre eux, peut-être…. Et pourtant non, c’est bien gros qu’ils disent. Ma foi, si ça leur va. Il se nomment tous gros entre eux…. Et soudain, badaboum !!!! Sur une anodine touche, juste devant elle, un méchant d’en face cause à son môme et lui dit texto : « ho gros, tu te calmes ». Et ça part en vrille direct. Parce qu’autant entre coéquipiers, y a aucun souci à s'appeler gros, autant l’autre d’en face, lui il a pas le droit, ça se fait pas, c’est pas sport et tout le monde a bien compris qu’il a dit ça rien que pour faire dégoupiller notre gros, qu’est pas si gros que ça, mais un peu quand même…
Je te dis qu’il en faut de la cuture et de la subtilité pour comprendre tout ça quand t’es pas de ce monde ovale.
Un peu comme pour Mohammed, ici, tout le monde l’appelle Mouloud, mais les autres d’en face, ils ont pas intérêt d’essayer à l’appeler comme ça, parce que Mouloud c’est note Bro, notre gros, notre……enfin vous m’avez compris…

Le bouclier.

Pourquoi faut-il remettre des boucliers aux vainqueurs, et peu importe leur niveau et leur âge ?
Parce que c’est notre culture, notre sport. Parce qu’une coupe, on peut la gagner partout, dans n’importe quel tournoi, n’importe quel concours. Parce que pour nous, un bouclie, c’est le Graal, l’aboutissement, le rêve et l’utopie. Parce que c’est l’objectif, le fantasme et la rage.
Oh qu’il en aura fait couler des larmes, qu’elles soient de joie ou de tristesse. Inaccessible pour certains, comme une évidence pour d’autres, on le regarde avec envie, on passe à côté sans le regarder par superstition. On le touche, on le caresse, on lui parle en le tutoyant. Il est superbe quand on l’a en main et très laid quand il nous échappe.
Et puis un jour, on le gagne ! On va le chercher, on nous le donne, il nous appartient pour une année. C’est le nôtre, et il y aura le nom de notre club gravé dessus.
On le soulève, on le montre, on l’embrasse, on se le passe de mains en mains. On le trimballe partout, on l’expose, on l’explose aussi. Le temps d’une soirée, d’un weekend, ou d’un été, on ne le quittera plus. Pris en photo comme une rock star, gardé par des vrais gardes du corps, il faut faire la queue pour le voir en vrai. On l’emmène de fête en fête, de foire en foire, et de petits clubs en clubs voisins.
Mais le temps d’une nuit de folie, le temps d’un weekend hors du temps, on le maltraite un peu et on s’en sert pour tout. Il sera planche de surf dans les bains du stade, table de pique-nique improvisé, plateau repas, comptoir de fortune ou même bouclier de chef gaulois. Il glissera des mains, écrasera un orteil, explosera une arcade, cassera quelques verres et laissera sa trace sur un mur de plâtre. Il dormira dans une voiture, une chambre d’hôtel ou derrière un comptoir. Ignifugé à grands coups de champagne, de bière, de vin, de jaune, de sueur, de sang et de rouge à lèvre. Verni à la mayonnaise, au Ketchup et à l’huile de friteuse. Il n’en ressortira que plus fort, plus beau et restera jalousé par ceux qui sont passés à côté.
Et quoi qu’en pensent certains, il sera respecté au-delà du raisonnable…

Toujours pour tous.

Il me dit qu’avant c’était possible, mais que maintenant le rugby est devenu un sport ou l’argent est passé avant le jeu, ou le physique est passé avant le jeu et ou le rentre dedans est passé devant l’évitement. Il me précise enfin que ce sport n’est plus fait pour n’importe qui, et je réponds que : non monsieur ! Non le rugby n’a pas tant changé que ça. Je réponds qu’il me parle du rugby de la télé, de celui qu’on nous montre, alors qu’il existe quelque part et surement pas très loin de chez lui, du rugby de village, de séries, de fédérale. Du rugby d’école, loin de la championnite et de l’élite. Du rugby comme avant, du rugby sans prétention, mais du rugby sérieux quand même. Du rugby festif, amical, guerrier, fier et conscient de son niveau.
Alors bien sur que l’autre rugby existe : celui du professionnalisme, de la performance, et du très haut niveau, mais ce n’est pas pour autant que l’autre n’existe plus. Un peu comme si on le comparait à la cuisine : ce n’est pas parce qu’il existe des restaurants 3, 2 ou 1 étoile, que les autres restaurants n’existent plus. A chacun son niveau, son talent, son ambition. Il suffit juste d’aller se rendre compte par soi-même que l’on peut prendre autant de plaisir à jouer dans un petit club, ou cuisiner des simples steaks frites, que de percer à haut niveau ou créer une œuvre d’art dans une assiette.
A chacun son ambition, son envie, son talent….

Aujourd’hui, c’est Devos qui sera titulaire (en troisième série et au deuxième degré) …

- Qu'est-ce ce qu'ils font ?
- Ils jouent au rugby.
- Au rudby ? C’est rude….
- Non, au rugby…. Avec un G !
- G ? Non : « J’ai ! », parce qu’il faut s’annoncer sous les chandelles.
- Sous les chandelles ? Dis donc, ils sont bien romantiques ces rugbymen.
- Et là, ils font quoi ?
-Une mêlée.
-Une quoi ?
-Une mêlée !
- Une mêlée, ça veut dire qu'ils s'emmêlent ?
- Voilà !
- Je préfère ne pas m’en mêler, ils y sont tous.
- Seulement les avants.
- Les avants ? Parce qu’il y a aussi des après ?
- Pfff...
- Et ils sont combien en mêlée ?
- Les mêlées se font à huit.
- A huit ? Pourtant t'as dit qu’ils faisaient une mêlée à cinq.
- Oui mais c’est parce que... Ah tiens, ça se relève parce que ça s'écroule. Allez hop, à dix !
- Un coup à cinq, un coup à huit, un coup à dix. Faudrait savoir.
- Et vu que ça conteste, ça sera même dix de plus..
- dix + dix, c'est pas possible, ça fait plus de quinze.
- Et maintenant, renvoi aux vingt-deux.
- Le vingt-deux, c'est lequel ?

Chez Monsieur Rusigby..

Il y a des grands stades magnifiques entourés d’immenses tribunes et des petits stades de rien du tout au milieu des champs ou au milieu de grandes barres d’immeubles.
Il y a des accents du sud, des accents du nord, des accents de l’est, des accents d’on sait pas trop ou, et des expressions locales à coucher dehors.
Il y a des piliers universitaires, des piliers de comptoir et des bourrus qu’aiment pas trop ces gens de la ville.
Il y a des maillots en coton lourds comme des chevaux morts et des super maillots moulants avec des GPS incorporés.
Il y a des clubs house à refaire des matchs et à fêter des victoires et des préfabriqués à remettre à neuf.
Il y a des sales défaites à oublier et des salles des fêtes à se rappeler.
Il y a des bénévoles increvables, des mamies gâteaux, des papys gâteux, des surdoués de la mauvaise foi et des philosophes de café du commerce.
Il y a des cocotiers fidjiens, des bergers néo-zélandais, des géorgiens trapus et des mineurs gallois.
Il y a des parfums de camphre, des effluves de Dolpic, des senteurs d’oranges en quartiers et des souvenirs d’herbes fraichement tondues.
Il y a du vin chaud, des éco-cups aux couleurs du club et un petit truc à l’eau pour le gamin.
Il y a des beaux Gilbert aérodynamiques gonflés au gramme prés et des Wallabys gorgés d’eau.
Il y a ces chansons à reprendre en chœur et la musique d’entrée pour faire monter la pression.
Il y a des casques, des masques, des basques et des boucliers de Brennus ou de plaquages.
Il y a les cris, les hourras, les bravos, les Houuuuu, les « aux chiottes l’arbitre », les « depuis l’début » et des accolades à la fin.
Il y a des présidents gavés d’UV et pétés d’oseille et des présidents en train de réparer une fuite sous l’évier de la buvette.
Il y a des entrainements d’hiver, de la boue sous les godasses et des phases finales ensoleillées.
Il y a des bonus offensifs, des bonus défensifs et des matchs complètement nuls.
Il y a des joies, des peines, des pertes, des naissances et des souvenirs pour la vie.
Il y a des grands tout maigres, des petits gros vifs, des teigneux casse-bonbons et des tout petits très rapides.
Il y a des places VIP, des entrées plein tarifs et des bourriches à deux euros.
Il y a des retours en bus, ou… tout ce qui se passe dans le bus, reste dans le bus.
Et il y a ces gamins qui regardent tout ça et qui se disent : « Nous aussi un jour… »

Le vestiaire du perdant.

Des fois, juste après les trois coups de sifflets de l’arbitre, il arrive que l’entraineur ressente le besoin de débriefer immédiatement sur le terrain, histoire de dire à chaud ce qui n’a pas marché et aussi de dédramatiser l’affaire : « une défaite de perdue, ça arrive, on gagnera mieux dimanche prochain ». Mais ce n’est pas ces quelques mots qui vont empêcher les joueurs d’être tristes ou en colère, ou les deux à la fois.
Et ils rentrent aux vestiaires. Séparément, rarement bras-dessus, bras-dessous. Certains se dépêchent, se douchent, se rhabillent le plus vite possible et se sauvent sans dire un mot. D’autres sont assis, la tête basse et ont encore du mal à comprendre ce qui leur est arrivé. D’autres encore restent plus longtemps que prévu sur le stade et discutent avec la famille ou les copains.
Le silence est lourd. Quelques jurons silencieux fusent, histoire de dire qu’on a bien les boules. Les dirigeants ne disent pas un mot et font ce qu’ils ont à faire en toute discrétion. Le coach parle à voix basse au capitaine qui veut comprendre lui aussi. Même le président ne sait plus s’il doit payer des bières.
Il y a dans ces silences, des regrets, des remords, des sentiments d’injustice et de la rancune contre un arbitre, qui n’y est pourtant franchement pour rien dans cette défaite.
On a beau y retourner comme on veut, les autres d’en face étaient vraiment des enfoirés. En plus, on les entend chanter à l’autre bout du couloir…
Et chacun prend sa douche. Et chacun en silence… Des regards, des grimaces, mais pas de mots…Défaire de merde. Rien ne s’est passé comme prévu. Rien n’a marché comme on avait dit…
On sort, on se retrouve à la buvette, on essaie de faire bonne figure et de faire croire qu’on est d’accord avec ce que racontent ceux qui essaient de nous réconforter. On boit un coup sans plaisir et on discute gentiment avec l’adversaire qui saura cacher sa joie. « Sont pas si abrutis que ça finalement ».
On se rendra enfin au club house ou la défaite s’oubliera petit à petit…
Pendant ce temps, le vestiaire du vaincu restera silencieux, et le dernier aura refermé la porte.

» Dans les coulisses... du Stado
» Et un cadeau pour Carcassonne, un!
» disparition de monsieur Fignon
» Mais qu'a dit/écrit monsieur 'J.-J. Bo'
» monsieur vidéo à Tarbes TechXV serveur d'échanges