Cadeau !! Monsieur Rusigby, la plume des coulisses du rugby amateur

Nombre de messages : 3807 Date d'inscription : 10/08/2008

Le vestiaire du perdant.

Des fois, juste après les trois coups de sifflets de l’arbitre, il arrive que l’entraineur ressente le besoin de débriefer immédiatement sur le terrain, histoire de dire à chaud ce qui n’a pas marché et aussi de dédramatiser l’affaire : « une défaite de perdue, ça arrive, on gagnera mieux dimanche prochain ». Mais ce n’est pas ces quelques mots qui vont empêcher les joueurs d’être tristes ou en colère, ou les deux à la fois.
Et ils rentrent aux vestiaires. Séparément, rarement bras-dessus, bras-dessous. Certains se dépêchent, se douchent, se rhabillent le plus vite possible et se sauvent sans dire un mot. D’autres sont assis, la tête basse et ont encore du mal à comprendre ce qui leur est arrivé. D’autres encore restent plus longtemps que prévu sur le stade et discutent avec la famille ou les copains.
Le silence est lourd. Quelques jurons silencieux fusent, histoire de dire qu’on a bien les boules. Les dirigeants ne disent pas un mot et font ce qu’ils ont à faire en toute discrétion. Le coach parle à voix basse au capitaine qui veut comprendre lui aussi. Même le président ne sait plus s’il doit payer des bières.
Il y a dans ces silences, des regrets, des remords, des sentiments d’injustice et de la rancune contre un arbitre, qui n’y est pourtant franchement pour rien dans cette défaite.
On a beau y retourner comme on veut, les autres d’en face étaient vraiment des enfoirés. En plus, on les entend chanter à l’autre bout du couloir…
Et chacun prend sa douche. Et chacun en silence… Des regards, des grimaces, mais pas de mots…Défaire de merde. Rien ne s’est passé comme prévu. Rien n’a marché comme on avait dit…
On sort, on se retrouve à la buvette, on essaie de faire bonne figure et de faire croire qu’on est d’accord avec ce que racontent ceux qui essaient de nous réconforter. On boit un coup sans plaisir et on discute gentiment avec l’adversaire qui saura cacher sa joie. « Sont pas si abrutis que ça finalement ».
On se rendra enfin au club house ou la défaite s’oubliera petit à petit…
Pendant ce temps, le vestiaire du vaincu restera silencieux, et le dernier aura refermé la porte.

Vie de groupe.

Encore une phase de jeu, un moment de vie du rugby ou
de tout sports collectifs, qui a été vécu par tous, un jour ou l’autre et que pourtant, aucun journaliste n’a jamais évoqué. Pire, aucun technicien n’en n’a jamais parlé, dans aucun livre, aucune vidéo, aucun tuto.
Heureusement que Monsieur Rusigby s’empresse de remettre l’’église au milieu du village en en parlant aujourd’hui. Enfin diront certains. Ouf diront d’autres. Car effectivement, s’il existe une tranche de sport commune à tous, c’est bien celle-là. Bougez pas, j’explique.
Vous vous rappelez de la chronique d’hier, qui se termine par : « et le dernier refermera la porte"… du vestiaire. Et c’est vrai, le dernier referme la porte du vestiaire, ou de l’autobus, ou des chambres, si on est en stage. Mais ce dernier, avant de bien refermer comme il faut, il jette quand même un œil, histoire de vérifier s’il ne reste pas quelques affaires qui trainent. Et c’est du 100% de réussite. Surtout avec les catégories de jeunes, même si les plus vieux le font aussi. Alors, le dirigeant (puisqu’en général, c’est un dirigeant qui s’occupe de tout vérifier), ramasse l’affaire en question et rameute le groupe.
« A qui appartient ce tee-shirt ? » (Ou chaussures slip, chaussettes, blouson, bonnet, survêt etc etc…), mais là, ce sera un tee-shirt.
En posant la question, il montre l’objet bien haut, pour que tous puissent bien voir.
Ben, vous le croyez ou pas, mais je crois que vous le croyez, parce que vous aussi vous l’avez obligatoirement vécu. Ce tee-shirt n’appartient à personne. Aucun des joueurs ne lèvent la main. Pourtant le tee-shirt est à priori propre, ne sent pas trop mauvais et surtout, est exactement comme les autres tee-shirts des autres, vu que c’est celui qui porte le logo du club dessus.
Le dirigeant repose la question, et re personne ne répond. Ça doit être un tee-shirt qui s’est incrusté en cachette parce qu’il avait remarqué qu’il était comme ceux des autres. Sûrement que c’est comme ça que ça s’est passé, vu qu’il n’appartient à personne.
Par honte, par pudeur, par timidité, par peur, par je m’en foutisme, par certitude, aucun jeune ne lèvera la main pour récupérer ce tee-shirt, qui finira au mieux dans ce grand sac marin à coté de quelques protège-dents, quelques chaussettes dépareillés et autres vêtements oubliés, ou qui finira au pire à retrouver son propriétaire qui avait oublié que tous les autres ont leur tee-shirt pour la prochaine sortie, sauf lui, même s’il se demande comment c’est possible…

En photo : « pourtant tout était bien rangé et plié dans mon sac, je comprends pas. »

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L'appel à bénévoles.

Même si on a l’impression vu de l’extérieur que son club est riche en dirigeants et en bénévoles, le bureau de ce même club estime toujours que plus on est de fous et moins on a besoin de courir partout.
Alors, si t’aimes ton club, si tes gosses y jouent , si tu t’ennuies, si tu sais pas quoi faire les weekend, si t’as été un ancien joueur, si tu viens d’arriver le coin, si tu t’y connais en bénévolat, si tu veux t’y connaitre en bénévolat, si tu veux faire de nouvelles rencontres, si tu veux plus payer ton entrée au stade, si tu souhaites mettre tes compétences au service des autres, si tu veux comprendre comment vit un club en y mettant les deux pieds dedans, si t’as besoin de te sentir utile, si tu veux rentrer chez toi en sentant la frite, si tu sais super bien compter, si tu crois que tu sais super bien compter, si tu connais d’autres gens qui le font et qui ont l’air heureux, si ….
Alors top là et n’hésites pas à rejoindre l’équipe déjà en place. Et question place, t’inquiètes pas qu’ils en trouveront bien une pour toi.
Ah oui, j’oubliais le plus important : t’as même pas besoin de t’y connaitre en rugby, tu peux y aller tranquille, on va pas te questionner sur le sujet.
Maintenant que tu as lu ça, tu ne peux plus rien dire, t’as plus d’excuses. Dans la description de l’annonce, forcément, t’es dedans… Le plus dur étant de faire le premier pas.
Et puis, je peux bien te le dire, si ce n’est pas vers le rugby que tu vas, mais vers un autre sport ou une autre association, ça marche pareil… Mais bon, le rugby, c’est mieux quand même.

Ecole de rugby-projet pédagogique

Admettons qu’un jour, las de tant de turpitudes et de joutes rugbystiques, le gars décide de mettre un terme à sa carrière. Admettons surtout que lui, vieux de la vieille et grigou des terrains, il l’aurait pas dit comme ça. Lui, il aurait dit qu’il pliait le banjo, qu’il raccrochait les clous, en estimant qu’il avait passé l’âge d’aller faire le con un dimanche sur deux dans un autobus ou ça sent les pieds et la clim (alors qu’avant , ça sentait le rosé et le tabac), et l’autre dimanche, d’aller faire le malin sur son terrain fétiche. Il a le moteur qui tousse, les asperges qui grincent, les vérins qui verrinent plus, les choux-fleurs qui se transforment en brocolis, et l’aspirateur qu’est bouché. Donc, il fait son jubilé en juin et en même temps que sa Louise jubile de son coté de n’avoir plus à laver des fringues sentant la sueur, la boue et le moisi, et de n’avoir plus non plus à jouer la doctoresse les dimanches soirs et la rebouteuse les lundis matin. Les féministes que je vous soupçonne d’être, grinceront forcément du ratelier en lisant cela, mais vous savez ce que c’est, un guerrier des terrains guerroit tant qu’il peut et il lui est déjà assez difficile pour lui d’assimiler les 95 combinaisons en touche-mêlée-départ au ras, alors s’il vous plait, ne venez pas lui parler du fonctionnement d’une machine à laver, c’est déjà assez difficile pour lui.
Ou je voulais en venir ? Je sais plus…. Ah oui ! Donc le mec, il stoppe tout, il descend du wagon et se pose sur son canapé pour réfléchir.
Après trois packs de Kro englouties devant un quart de douzaine de match de Top 14, une lueur surgit de son cerveau : « Et si que je ferai éducateur des tout petits ? »
En voilà une bonne idée ! Parce que vu d’ici, on sent bien que le mec il a pas inventé le bidon de deux litres ou la machine à cintrer les bananes, mais faut pas se fier aux apparences. En vérité, et depuis plus de 30 ans qu’il tripote de la gobille, le type a bien vu l’évolution de ce jeu. Il est pas totalement con non plus. Il a bien remarqué ce changement de mentalité, ce besoin d’envoyer du large-large, la disparition du combat. Le vrai, pas celui qu’on voit maintenant ou ça ne pense qu’à se disputer le ballon. Non, lui c’est du vrai combat qu’il repense. Celui des doigts dans les yeux, des mêlées relevées pour un oui, pour un non et même pour un peut-être. Le combat des coups de coude en touches, des torsions de roustons dans les mauls, des tartes par derrière à la régulière et des stamping aux 22 coniques. C’est ça qu’il veut transmettre aux jeunes débutants. Bien mené, il pense même qu’avec cette spécialité, il pourrait entrer dans l’histoire du club.
Et donc, pétri de certitudes, notre gars débarque le mercredi après-midi suivant à l’entrainement des mioches et s’en va exposer son projet pédagogique à haute intensité…
Mais je suis pas sûr qu’il ait fait l’unanimité. Parait que c’est démodé.. Et alors ? Les vinyles aussi c’était démodé y a pas si longtemps. Et maintenant tout le monde en revoudrait

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Rentrée des écoles de rugby.

Rentrée scolaire passée, faites et fêtes du sport passées aussi, il ne reste donc plus qu’à effectuer la vraie rentrée. Celle des écoles de rugby. Celle de son école de rugby surtout. Et cette année, c’est sa première. Depuis le temps qu’il en avait envie, cette année, c’est décidé il y va. Les autres étaient heureux de l’apprendre et du coté intégration, tout le monde sait que c’est déjà gagné d’avance.
Mais voilà, Il pensait avoir réfléchi à tout, sauf qu’à la veille de sa première rentrée, le doute s’installe et les questions fusent. Question rugby, ça ira à peu prés, il en sait déjà pas mal. Mais c’est du coté des fringues qu’il ne sait plus. Comment s’habiller pour une rentrée ? Tout de neuf et c’est l’assurance de donner l’image d’un mec qui se la pète. Se fringuer avec du vieux, du passé, de l’ancien maillot du club (celui qu’on lui a donné pour son dernier match) et ça risque de faire un peu négligé. Comment ils font les autres ?
Et le temps ? Elle dit quoi la météo ? Faut tout prévoir. Le short, les moulés (un peu usés aussi), le survêt, les chaussettes aux couleurs du club qu’il mettra inévitablement par-dessus le pantalon. Pareil pour la casquette. Il en faut une ou pas ? C’est le temps du doute. Faire bonne impression devant les parents, les gosses, sans avoir l’air de faire trop le malin.
Il en veut aux livres technico-pédagogiques, ou tout est écrit, sauf comment doit s’habiller un éducateur pour sa rentrée. « Ils pouvez pas y penser les techniciens ? ».
Il hésite même à téléphoner aux autres pour savoir comment ils font, mais il a peur de passer pour une buse.
Sinon, y a aussi ce beau maillot de l’équipe de France qu’on lui a offert pour Noël, mais pareil, ça va faire un peu prétentieux, et il a jamais joué en équipe de France. Pourtant si on lui a offert, c’est bien pour le porter…

Bonne (vraie) rentrée à tous.

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Un jour, un rôle : Le directeur de match.

Le ? Le directeur de match…. Non, mais attends Monsieur Rusigby, directeur de match, ça se dit plus depuis longtemps. Maintenant il faut dire : le représentant fédéral ! Ah, ok, je savais pas. Du coup, je recommence.
Un jour, un rôle : le représentant fédéral.
Oui ben en attendant, directeur de match ou représentant fédéral, c’est quand même toujours ce même bonhomme qui arrive pile poil à l’heure du repas d’avant match et qu’on reconnait facilement par son grand âge, son blazer propre et sa cravate de la FFR. S’il y avait pas l’âge, on pourrait le confondre avec l’arbitre. Heureusement que l’arbitre justement, il a le sac à roulettes pour qu’on voit que c’est lui.
Et donc le directeur de match, s’il arrive justement pile à l’heure du repas des officiels, c’est juste parce qu’il peut manger tranquillement en posant le blazer. Il pourrait grignoter un sandwich dans sa voiture avant d’arriver, mais vous savez ce que c’est, les sandwichs ça met des miettes partout et ça ferait pas sérieux d’arriver au stade tout taché. Du coup, il mange avec les présidents, arbitres et gratin en tous genre. Là ça parle des endroits où on est bien accueilli, ou on est accueilli comme des voleurs de poules et en général, c’est jamais dans le club-house ou il se trouve à ce moment-là, qu’il est mal accueilli. Après, vu que c’est un ancien joueur, un ancien dirigeant, un ancien à peu prés tout, il évoque des souvenirs de match houleux, des après-match festifs et des retours longs.
Mais le devoir l’appel, et il se rappelle qu’il n’est pas venu que pour manger. En vérité, c’est à ce moment que débute son vrai rôle : gérer l’administratif du match. Vérifier les licences, voir s’il n’y aurait pas un petit coquin qui essaierait de jouer malgré une petite suspension, valider le tout, afin d’éviter que l’arbitre s’emmêle les pinceaux. Quand tout est OK. Il n’a plus qu’à attendre le début du match, ou son rôle sera de gérer les remplacements, les temps de cartons jaunes ou blancs, celui qui sort, qui rentre, qui ressort, qui re rentre pas parce que remplacé entre-temps. Par contre, et quoi qu’il arrive, il n’a pas le droit d’intervenir sur le cours du jeu. S’il voit un mauvais geste, il a pas le droit de le dire à l’arbitre. Ce qui en général met en colère le public qui pense connaitre toutes les ficelles du jeu… sauf celle-là, du coup. Dommage.
Et enfin, quand le match est terminé, avec sa petite tablette, il enregistre le score, les évènements, les cartons et s’il a bien fait son job, quand il repart du stade, tout est déjà enregistré à la fédé.
Je vous cache pas que ce rôle de représentant fédéral est pas le plus glamour du rugby et c’est pas simple de se faire des copains de l’autre coté de la rambarde quand tu fais ça . Mais bon, parait-il qu’il en faut… Ce qu’il y a de sûr, c’est qu’il y en a…
Bonne saison à eux.

Un jour, un bénévole : celui qui compte pas ses heures.

Cherchez pas, vous en avez forcément un aussi chez vous.
Celui qui compte pas ses heures, celui qui dit toujours oui, celui qui rougne un peu, mais qui fait quand même. C’est un peu le couteau Suisse du club. On peut tout lui demander. Sauf les papiers. Houla, il aime pas ça la paperasse. Lui, c’est un homme de terrain. Comme quand il était pas à la retraite. Un bricoleur, un MacGyver, un qui bidouille l’électricité, monte les barnums, accroche les panneaux ou soude un bout de ferraille pour renforcer le timon du chariot. S’il faut aller récupérer une commande de matériaux, pas de soucis, il a la voiture qui va bien. S’il faut mesurer un truc ou un machin, pas de problèmes non plus, il a toujours le mètre dans la poche. S’il faut aller remplir les bidons de flotte pour les joueurs, pas de difficultés. En plus, il sait ou ça se trouve et il a toujours les clés du local. Même changer un fût, il sait faire.
Il laisse le sportif aux sportifs. Bien sûr qu’il aime bien le rugby. Peut-être même qu’il y a joué quand il était jeune. Mais il est pas là pour ça. Il est là pour l’ambiance pour les copains, pour les casse-croutes. Et puis ça l’occupe, ça le sort de chez lui, ça lui permet de voir du monde et de rester jeune au contact des joueurs. Rien que du plaisir. Il attend rien et surtout pas d’être mis en avant. Quand on lui propose une petit quelque chose, une récompense ou une médaille pour son dévouement, il répond : « foutes moi la paix avec ça ! » et il repart aussi sec réparer une bricole.
Surtout, il peut sans problèmes être présent au club sept jours sur sept, du matin jusqu’au soir, si on a besoin de lui. Ah c’est sûr qu’il est pas là pour compter ses heures..
Et quand on lui rappelle son passé d’ouvrier et son engagement syndical qui le faisait monter sur les barricades pour des salaires trop bas et des horaires trop longs, il répond en crachant par terre : « Ici, c’est pas pareil, c’est pour le rugby! »
Et puis ce matin, lendemain de premier match de championnat, il sera déjà là.. Parce que les maillots, si on veut qu’ils soient propres pour dimanche prochain…
Celui qui compte pas ses heures, si on en a un c’est déjà bien. Si on en a plein c’est encore mieux.
PS, pour les énervées que je vois d’ici et qui vont me faire remarquer qu’il existe aussi la version féminine de ce genre d’individu, je leur ferai aussi sec remarquer que si elles prennent le temps de fouiller sur cette page, elles la trouveront sans problèmes…

C'est vrai, n'oublions surtout pas toutes celles qui préparent les repas des joueurs et des supporters, sans compter leurs heures

Les odeurs du rugby .

Evidemment la première à laquelle on pense toujours est ce mélange pommade chauffante et d’huile de camphre dont tous se badigeonnaient pour un oui, pour un non, pour un peut-être ou pour faire comme les autres. Ça chauffait les muscles, brulait les yeux ou les rouleaux si on se rappelait plus qu’on en avait plein les mains, et ça embaumait tout le vestiaire. Une bonne odeur rassurante et parfois nécessaire pour passer par-dessus celle du bon vieux vestiaire fermé toute la semaine, et qui avait bien gardé au chaud, cet air vicié à l‘eau chaude des douches mélangées au manque d’aération.
Mais le rugby, ce n’est pas que ça. C’est aussi l’odeur de l’herbe humide et coupée, l’odeur de la boue ou du sable et celle des shorts et des maillots. Un mélange de sauvage, de brutal et d’agréable. Ça revient vite, et d’autant plus que c’est peut-être ce qu’il manque le plus quand tout s’arrête. On se passe facilement des douleurs, des courbatures, des capots ouverts et des combats. On arrive aussi à se passer des longs trajets en bus, des entrainements après le travail. On peut remplacer les troisièmes mi-temps avec les copains par des bringues avec ces mêmes copains. Mais les odeurs de ce sport, elles sont quand même difficiles à remplacer.
Ça te revient en tête quand il t’arrive une bricole qui nécessite un peu de pommade, mais c’est pas pareil. D’abord parce que tu te soignes de ton canapé et pas sur le banc trop étroit d’un vestiaire et puis surtout, impossible d’écouter en même temps le doux son des crampons sur le carrelage. Parait que ça se fait pas dans une maison, que ça raie le sol et que du coup, ça fait des histoires…
Sinon, il reste l’odeur du club-house, remplie d’effluves de cuisine, de verres d’alcool renversés et un peu de tabac froid en fin de soirée, quand le grand public est rentré et qu’il ne reste plus que les vrais.. Mais ça, faut pas trop le dire, ça pourrait aussi faire des histoires..

On jouait au rugby.
On avait dix ans et on jouait au rugby parce que c’était un jeu. On jouait pour jouer avant de jouer pour gagner. On jouait contre des méchants, contre des gentils, contre des copains qu’on aimait et des copains qu’on n’aimait pas trop.
On jouait au rugby pour retrouver les copains et les éducateurs.
On jouait au rugby parce qu’on avait le droit de se salir et que déchirer ses vêtements n’étaient pas grave.
On jouait au rugby pour avoir le ballon et l’envoyer à ses coéquipiers.
On jouait au rugby pour se raconter des histoires dans les vestiaires, pour chanter des chansons drôles dans le car et pour faire du bruit sur le carrelage des douches avec nos chaussures à crampons.
On jouait au rugby pour voyager et découvrir d’autres terrains et des fois, on avait le droit de jouer sur des stades avec des vraies tribunes.
On jouait au rugby pour faire comme les grands de l’équipe première, qu’on allait aussi voir jouer les dimanches après-midi.
On jouait au rugby pour faire les malins à l’école et parce que c’était un jeu ou tous pouvaient y trouver sa place.
On jouait au rugby pour se défouler, pour courir vite, pour sauter haut, pour pousser fort et pour plaquer aux jambes.
On jouait au rugby sans penser qu’on pourrait un jour y gagner un billet.
On jouait au rugby pour se créer des souvenirs et je crois que ça à bien marché.
Et c'est pour ça petit, que tu devrais faire pareil. Voir moins

Photo: Marc Boisson
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En joug !

Rien qu’avec le titre, t’as compris pourquoi l’entraineur des avants, on l’appelle l’adjudant. C’est de sa faute aussi ! A chaque fois qu’on se lie pour travailler la mêlée, au lieu de dire comme disent les arbitres pour nous habituer, il gueule : « A mon commandement ! En joug ! Arrrrrrgh !. Bon, le troisième commandement, on comprend pas trop ce que ça veut dire. Certains comprennent : Go ! D’autres : jeu ! Mais l’essentiel, c’est bien qu’on pousse tous ensemble et si possible dans le même sens. Une fois qu’on est prêt à dessouder la machine, le coach nous demande de pousser encore plus fort et encore plus longtemps. Il en profite pour réajuster quelques positions douteuses de certains, et sa phrase favorite reste quand même le célèbre : « Baisse le cul, t’es pas à la légion. » Comme si on était des chèvres à légionnaires, nous, les gros, les sur qui on peut compter quand ça tombe épais. On dit rien et on baisse le cul. D’ailleurs, à force, on n’y fait plus gaffe. De toute façon, il a toujours quelque chose à nous reprocher. Alors qu’on ait le cul plus haut que le bassin ou que nos appuis ne soient pas assez écartés, c'est réglé, ça lui va jamais. On décolle le joug du sol, on le pousse sur deux ou trois mètres, et on recommence. « No Scroum, No ouine » qu’il dit après l’effort et avec son accent local. C'est pas de lui, il l’a entendu à la télé, et l’a noté sur son petit carnet ou il pose ses notes et ses remarques pour les fois d’après. Et on recommence : « A mon commandement ! En joug ! Arrrrrgh ! Et il est content. On a les tripes en vrac, les ailes qui touchent la piste et les cuisses en feu, et lui, il est content. Du coup, ça lui redonne le gout à l’effort. Enfin surtout pour nous. « Allez, on en refait une dernière, mais cette fois, je mets le frein à bloc sur la charrette. On pousse des cris d’animaux, on fume de partout, on a la roue avant qui frotte au garde-boue, mais tant qu’on fait pas avancer la bestiole, faut qu’on pousse ! A la fin, on a les oreilles en steak haché parce que tu penses bien qu'ici, on n'a pas les moyens de se les badigeonner d'Elasto. L'Elasto, c'est pour les matchs.

Les séances de joug mécanique (avec lever de poids ou d'entraîneur, à Jules Soulé) ..... Inoubliable

On avait quasiment tous 20 ans.

Certains un peu moins, d’autres un peu plus et d’autres encore, pile poil vingt. On jouait dans la même équipe, ou les uns contre les autres. Des qui jouaient déjà à haut niveau, des qui jouaient un peu plus bas. Ce qu’il y a de sûr, c’est qu’on faisait la bringue ensemble, souvent. On se voyait hors rugby, on passait notre temps ensemble, toujours ensemble. On connaissait les parents des uns et des autres et on les tutoyait tous parce qu’on faisait partie de leur famille, comme ils faisaient partie de la nôtre.
Et puis on a grandi, on a vieilli, on s’est marié, on a eu des enfants, on a déménagé, changé de club, tenté l’aventure au-dessus ou choisi de faire du rugby sans se prendre la tête. Certains ont connu des sélections nationales, le très haut niveau et d’autres sont toujours restés dans leur club du début.
Et aujourd’hui, trente ans plus tard, il y a celui qui vit à Paris, celui qui est dans le Gard, celui qui est en Gironde, au Pays Basque, dans le Puy de Dôme, en Haute-Loire, dans le Lot. Celui qui n’a jamais bougé, et celui qui est revenu au pays. Celui qui passe à la télé et celui qui s’occupe de son premier club. Celui qui entraine, celui qui joue en vieux et celui qui a lâché l’affaire. Celui qui suit son môme qui a de l’avenir et celui qui s’éclate dans un autre sport…
Et même si on ne se voit pas si souvent, même si on ne se téléphone pas toutes les semaines, on garde toujours des nouvelles des uns et des autres. On sait tous ce que tous deviennent et font.
Surtout, en cas de coup dur, on est toujours pas loin les uns des autres. Parce que c’est comme ça qu’on nous a appris, comme ça qu’on a toujours fait et que c’est comme ça aussi qu’on continuera de faire.
Pour la vie. Pour le meilleur et pour le pire (et c’est dans le meilleur qu’on est les pires).
Même si on ne se voit pas souvent et des fois quasiment jamais, on est toujours heureux et rassurés de savoir qu’on existe les uns pour les autres.
Trente ans plus tard, on est toujours pote, et pourtant, on n’a jamais rien gagné ensemble.
A croire que c’était même pas ça l’important….
Et je suis sûr qu’on n’est pas des exceptions…
A ceux qui se reconnaitront..

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Rue de l’Ovalie..

Vous vous rappelez de la chronique sur le magasin des blessures avec son énorme promo sur les entorses du genou en tous genre ? Derniérement, j’ai aussi écrit une chronique sur le fameux musée du carton rouge. Et comme ça me fait marrer, j’ai décidé que ces deux bâtiments étaient situés rue de l’Ovalie.
Une rue bien vivante. Un peu comme une rue du commerce de n’importe quelle ville, mais une rue que nous, rugbymen, aimerions connaitre prés de chez nous.
Car en plus du magasin des blessures et du musée du carton rouge, cette rue de l’Ovalie propose de nombreux commerces tous spécialisés ou estampillés rugby. Je ne vous cache pas qu’il y a peut-être un peu trop de Pizzas d’ouvertes dans cette rue, mais que voulez-vous, avec le nombre de talonneur reconvertis en pizzaiolo grâce à la VAE (Validation des Acquis de l’Expérience), on devait forcément s’y attendre.
D’autres commerces ont ouvert dernièrement et notamment une maison de passes, qu’elles soient sur un pas, vrillée, sautée, de maçon ou même en-avant. Un peu plus loin se trouvent les inévitables salon de tatouages pour que tous puissent faire croire qu’ils ont des origines maories. Juste à côté, le coin des coiffeurs, ces remplaçants appelés pour faire le nombre. Ensuite, si on continue, on peut trouver quelques établissements festifs qui répondent aux noms de différents stades mythiques ou trophées légendaires, tels que l’Eden Park, le Twickenham, ou le Brennus.
Le fleuriste propose quant à lui, des roses, des chardons, des fougères argentées, des palmiers, des fleurs de cerisiers et même du trèfle.
Le Pôle médecine, sobrement baptisé : Accromiopolis, propose de réparer tout ce qui semble à peu près réparable sur un rugbyman. Entre la médecine traditionnelle et le bricolage de fortune, vous y trouverez forcément votre bonheur. D’ailleurs, pour vos bestiaux de devant, il existe même une clinique vétérinaire qui bien que spécialisée dans le coq, le Springbok, le Puma ou le Wallaby, peut sans problème régler les entrées en bélier, les pas de l’oie, ou encore les essoufflements de bœufs..
Bien évidemment, il y a aussi le coin des bouchers, avec leurs spécialités locales : joug de bœuf, et oreilles de gros en choux-fleurs.
Mais, pour le plus grand bonheur de tous ces commerçants, une nouvelle enseigne vient de voir le jour et elle est tenue par une star du ballon ovale. Un ancien All Black qui fut à son époque, reconnu comme le meilleur joueur du monde. En effet, c’est avec beaucoup de fierté que la Rue de l’ovalie accueille depuis peu, le très charismatique Richard McCaw et son Incontournable, institut de côté.
De rien…

Cadeau !! Monsieur Rusigby, la plume des coulisses du rugby amateur - Page 7 311019342_476082294560600_2604961542399583272_n.jpg?_nc_cat=102&ccb=1-7&_nc_sid=730e14&_nc_ohc=VLnJ4qCr8EIAX8oKGVX&tn=lgkzb71I8jzhBZhk&_nc_ht=scontent-cdg2-1

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Quand c’est madame qui décide.

Mais retournes-y bordel ! Tu m’énerves à te voir tourner en rond depuis le mois d’aout. Toute l’année tu dis que c’est plus de ton âge, que les coups font de plus en plus mal, que t’as des courbatures jusqu’au mercredi, que tu comprends plus les jeunes de maintenant, que c’était mieux avant et qu’il faut savoir s’arrêter avant qu’il ne soit trop tard. Et maintenant, tu tiens plus en place. C’est pas en rangeant 20 fois le garage par semaine et en tondant la pelouse 3 fois par jour que tu vas évacuer toute cette frustration. Ça sert à rien de dire que t’arrêtes si c’est pour passer ton temps à te plaindre, à souffler et à relire le Midi Olympique devant les matchs à la télé. J’ai bien compris que les troisième mi-temps c’est pas pareil si t’as pas fait les deux premières avant, et que la bière est moins bonne si tu la bois pas avec une lèvre fendue, une arcade gonflée ou une oreille toute rouge. Je sais bien que l’équipe 3 t’attend, mais que t’es pas encore prêt à aller jouer le dimanche matin contre d’autres vieux comme toi. T’as encore besoin de compétition, de combat et surtout de reconnaissance. T’avais promis que c’était la dernière, parce que t’y croyais, qu’on était en fin de saison et que t’en avais vraiment plein les bottes. Mais en deux mois, t’as rechargé les accus, t’as refait les niveaux et tu te dis que t’es encore capable de rendre service. Alors, retournes-y. Refait ton sac, appelle le coach et dis-lui que t’en refais une autre, comme tous les ans, ça sera mieux pour tout le monde. Remarques bien que tu progresses, t’as tenu jusqu’au mois de octobre cette année.

C’était un match.

C’était un match, mais je ne me rappelle plus si on avait gagné ou si on avait perdu. Surement que c’était pas ça l’important. Pourtant c’était un match dont je me rappelle plus que les autres. Un match particulier, un match qui se rejoue mille fois en fin de soirée accoudés au comptoir du club house. Parce que le bruit, le stade, le vestiaire, les odeurs, le public et les autres en face. Des comme nous. Ni mieux, ni pire. Des adversaires mais pas des ennemis. Des mecs qui se défonçaient pour leur maillot et ça nous avait donnée envie d’en faire de même. Sacré match. Peut -être même qu’à un moment donné on s’était battu comme des chiffonniers pour une certainement mauvaise raison. Le public poussait son équipe. Du début à la fin : 80 minutes à pousser son équipe. L’attente dans le couloir, la sortie des équipes, et le bruit qui va avec. Des montées en flèche, des entrées au casque, des plaquages douloureux et du combat d’avants. Des coups de pieds placés, des touches pas droites, des attaques tranchantes et des relances de l’en-but. Le public les poussait encore et encore. Ne rien lâcher, être à la hauteur de l’évènement et faire taire ce public trop bruyant. Relancer, remonter et toujours y croire. Peut-être bien qu’à la fin, on avait perdu quand même. Ce qu’il y a de sûr c’est que personne n’avait triché. Ni eux, ni nous.
Et quand l’arbitre a sifflé la fin, le public était heureux et les autres en face, la première chose qu’ils ont pensé à faire, c’est cette haie d’honneur en notre honneur justement. On s’est félicité, on s’est serré la main, et si on avait été des clubs riches, on se serait surement échangé nos maillots. On s’est tous regardé dans les yeux. Eux, nous, nous et eux. On avait fait plaisir en se faisant plaisir. On était fatigué, usé, mâché, soulagé mais heureux. Le public était debout et tous applaudissaient notre sortie du terrain. Merci pour le spectacle. Revenez quand vous voulez….
Mais avant de revenir, il fallait déjà repartir.
C’était un match, qu’on avait peut-être perdu ou qu’on avait peut-être gagné. Je ne m’en rappelle plus. Je me rappelle juste que le chauffeur du car klaxonnait dans la nuit, pour nous dire qu’il était temps de rentrer et que nous, on n’avait pas encore envie…

Le rugby des séries….

Il est là notre rugby, celui qu’on pratique, celui qu’on vit, celui qu’on respire. Il n’est pas forcément à la télé ou dans des grands stades qui brillent de 1000 leds.
Il est dans le vrai et dans l’à peu prés. Il est dans le bricolage, la débrouille et dans le « on fait comme on peut avec les moyens qu’on a ».
Une paire de pompe pour la saison, un jeu de maillots qu’on recoud le plus solidement possible en cas d’accident. Des maillots pas forcément sur mesure d’ailleurs, ou pas vraiment adaptés au gabarit de celui qui va le porter. Vas-y, étire-moi tout ça avec un dossier de chaise, la largeur d’une porte, voire la pissotiére…
Il est sur ces terrains tondus du mieux possible, avec quelques mètres carrés de terre, et des lignes tracées presque à niveau.
Il est dans ces poteaux parfois rouillés, et protégés par le sponsor qui a disparu depuis 10 ans.
Il est dans ce ruban d’élasto qui te sert à te protéger les oreilles, les poignets, les genoux, les épaules, mais aussi les chaussures, ou une baleine de soutif..
Il est dans le nombre très aléatoire de joueurs à l’entrainement. A cause du boulot, des gosses, de la pluie ou du froid.
Il est dans ce joug fabriqué, bidouillé, soudé, rafistolé et conçu sur la base d'une ancienne bagnole qui servait plus à rien.
Il est dans ce ballon neuf offert par le commerçant du coin et qu’on ne sort que pour les gros match (le ballon, pas le commerçant ça le vexerait).
Il est dans la négociation constante des dirigeants pour un nouveau sponsor, une pub pour le calendrier, une remise sur le pain des sandwichs, et pour le lot principal de la bourriche.
Du coup, Il est dans la bourriche que des jeunes essaient de vendre en faisant le tour du terrain pendant le match des grands.
Il est parfois dans la rotation des véhicules et des conducteurs pour des matchs à l’extérieur, parce que le bus, ça coute trop cher.
Il est dans ce petit article dans la presse locale qui résume le match du dimanche, le jeudi ou vendredi matin.
On y paie sa licence, on y paie son équipement, on garde les vieilles fringues pour les entrainements, on achète ses crampons…
Et surtout, on n’oublie jamais de bien vider les ballons d’eau chaude des douches quand on joue en réserve, si réserve il y a…. Et ça, ça ne se négocie pas. Manquerait plus qu’en plus de jouer en première, les mecs aient de l’eau chaude après leur match.
Il est là ce rugby amateur, de série, de clocher, de quartier, de cité et de passion.
Mais si tu n’as jamais joué en série, t’auras du mal à te rendre compte de tout ça.

Souvenirs souvenirs

Monsieur Rusigby est……..Champion de France..

Oui, voilà, carrément ! Champion de France des livres de rugby.
En vérité ce n’est pas comme ça que ça s’appelle. Le vrai nom c’est :
PRIX DU MEILLEUR OUVRAGE DE RUGBY DE L’ANNEE 2022.
C’est la toute première fois de l’histoire de ce sport et de la littérature réunis que ce prix est décerné. Et c’est Monsieur Rusigby qui décroche la timbale avec son dernier livre écrit pendant le confinement. C’est quand on n’avait plus le droit de rien faire que je l’ai fait. Je l’ai titré : Au bureau ovale de la saison blanche, parce que je trouvais que le titre allait bien avec l’ambiance. Et j’avais raison, vu que ceux qui ont voté ont dû trouver que l’intérieur du livre était aussi bien que le titre. Et c’est pas parce que c’est moi qui l’ait écrit (si, un peu quand même), mais je viens de le relire et franchement, je vous le conseille. Ça parle un peu d’Issoire, beaucoup de rugby amateur, pas mal des bénévoles et des fois c’est drôle, des fois c’est triste, mais surtout, c’est tout le temps sincère. Et c’est peut-être de ça dont je suis le plus fier. Pas forcément de Monsieur Rusigby par lui-même, mais bien que le tout premier prix du meilleur livre de rugby de l’année, soit décerné à un livre sur le rugby amateur, ses petits soucis, ses grandes joies, ses anonymes joueurs, ses increvables bénévoles et ses petites gonzesses qui galèrent pour se faire reconnaitre. C’est bien de tout ça dont je suis le plus content. A l’heure où ça essaie de stariser le truc à fond les gamelles, à l’heure où ça cause Data, GPS, prophylaxie et données numériques, le jury très hétéroclite a voté pour un bouquin écrit sur le rugby amateur. Ce rugby à l’ancienne mais d’aujourd’hui, ce rugby de celui qui sent la frite, de celui qui compte pas ses heures et de celui qu’est pas comme tout le monde, mais qui est content d’être là quand même. Des petits portraits ou beaucoup se reconnaitront, des petites histoires qui se passent dans plein de clubs à la fois, des descriptions de postes ou de blessures à pas donner envie ni de jouer et encore moins de se blesser. Et des hommages, des hommages à des personnes disparues, qui ont compté dans ma vie de rugbyman et qui ne sont ni plus ni moins que des bonnes personnes croisées aux bons moments et que vous avez aussi chez vous. Et puis aussi, à l’heure où on parle circuit court et production locale, Il était important et juste que ce livre sorte d’une maison d’édition de vers chez moi, du même département : les éditions de La Flandonniére. Ni petite, ni grosse, mais d’Auvergne, comme Monsieur Rusigby : du rugby d’Auvergne, édité en Auvergne… Comme quoi, ici, on peut et on sait gagner.
Et grâce à tout ça : médaille d’or et bouquet de fleurs. Comment voulez-vous que je ne sois pas content ?
Le jury qui a décidé que ce serait Monsieur Rusigby le lauréat, a quand même eu fort à faire, pace que parait-il que la concurrence était légitime et de qualité. Et ce jury justement composé de journalistes, de politique, d’ancienne internationale, d’ancien international, de photographe, de redac chef de journal tout jaune et d’écrivain lauréat du Renaudot, a dû parlementer, négocier, plaider, défendre, peser le bien et le mal et le pour et le contre pour arriver à se décider. Qu’ils se rassurent, de mon côté, je trouve qu’ils ont fait le bon choix, et les pour ont su dépasser les plus circonspects sur le vote final.
En plus, si j’ai bien tout compris, c’est le style qui a fait la différence. Un style bien à moi, reconnaissable, et que les spécialistes du truc appellent : une signature. Parait que je pourrais écrire sur plein d’autres choses, parce que je suis fait pour ça.. Sûrement, peut-être, j’en sais rien, et je n’ai pas encore réfléchit à ce genre de questions.
Mais bon, ce prix, c’est quand même aussi grâce à vous tous que je l’ai reçu… Alors merci. Merci de me lire, merci d’être fidèle, merci d’avoir acheté mes bouquins et d’en avoir fait la pub autour de vous, et merci aussi à ceux qui vont se sentir obligé de l’acheter pour pas passer pour des truffes…. De quoi ? T’as même pas le meilleur livre de rugby de l’année dans ta bibliothèque ??? En plus c’est bientôt Noël ! Et un cadeau de Noël comme ça, pour 15 balles, je serai vous, j’hésiterai plus…
La bise à tous et encore merci…

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Et un, et deux, et trois…..Et du coup 25-0 !

Comme l’édito m’était entièrement consacré, j’ai acheté Midi Olympique. Et comme il n’y a pas que moi qui compte, j’en ai profité pour tout lire et notamment les résultats des séries. Des quoi ? Des séries. Mais je sais bien qu’il ne faut plus dire comme ça. Maintenant, il faut dire : Régionale 1, régionale 2 et régionale 3. On est donc passé de 6 divisions régionales à trois divisions. Tout bien ! Parait que c’est pour faire des économies. Ben je crois que c’est vrai, parce que quand on regarde les résultats d’un peu partout en France, on remarque rapidement le nombre impressionnant de matchs qui se terminent par le score de 25-0. Hasard ? coïncidence ? Que non pas, cher ami. Juste que 25-0 dans le langage rugby, ça veut dire, soit forfait de celui qui a zéro, soit match joué à peu près, avec une des deux équipes en sous-effectif et des fois même, renforcée par les remplaçants d’en face, histoire de jouer un match quand même. Et quand c’est effectivement forfait, c’est vrai que d’un point de vue économie, l’équipe qui ne s’est pas déplacée en a fait pas mal. Au moins au niveau du cout du transport. Bien vu donc.
Mais faut les comprendre. Avec ces histoires de divisions régionales et ces histoires aussi de grande région, quand tu es un petit club, sans réelle ambition autre que de faire vivre ton patelin les dimanches après-midi, que ça fait des années que tu jongles entre la première série et la promotion d’honneur (par exemple) et que tu te retrouves dans une poule avec des équipes bien plus armées, qui elles, visent la fédérale 3, va expliquer à tes joueurs que dimanche on joue loin contre une équipe qui va te mettre au minimum 60 points. « Oui, ben heu, t’es gentil coach, mais dimanche, je vais peut-être plus opter pour le repas dominical chez mes beaux-parents, ça me fera l’occasion de les voir. J’aime bien le rugby, mais tant qu’à faire d’y jouer pour le plaisir, autant en prendre du plaisir justement. » Et vu que l’effectif est déjà tout maigre, si t’en as rien qu’une demi-douzaine qui répond ça, tu appelles l’équipe d’en face pour leur dire qu’on viendra pas dimanche. Et l’équipe d’en face justement, celle qui vise la montée en fédérale 3, c’est pas non plus comme ça qu’elle va progresser et se préparer à aller jouer plus haut la saison d’après…

C'est vrai qu'il en faut de la constance quand tu te tapes des centaines de kilomètres pour aller prendre une branlée chez le monstre de la poule. Avec des supporters qui pensent que comme tu y vas, tu n'y vas pas pour rien

S’essuyer les crampons.

Vois-les faire de nos jours ces pauvres joueurs. Depuis qu’on n’a plus le droit de rien, ils sont obligés de se soutenir l’un et l’autre pour s’essuyer les crampons. Obligés de lever le pied et de se salir les mains (et les ongles) pour pouvoir tenir la route, pour pas déraper au premier virage. Enlever la boue des clous à la main. Quel malheur !
Les anciens n’ont jamais connu ça, tu penses bien. Avant ? Mais avant, c’était beaucoup plus simple. Si tu t’appliquais, et peu Importe l’état du terrain, t’avais jamais de boue sous les godasses. Elle avait pas le temps de s’accrocher. Il y en avait toujours un d’en face pour servir de paillasson. La belle époque ! En fonction de comment tu voulais nettoyer tes pompes, t’avais le choix et tu pouvais choisir une cuisse charnue, un bon vieux maillot en coton épais (efficace pour le fignolage), ou un crane dur au mal. Ça laissait à peine de traces et t’avais toujours le dessous des godasses nickel chrome. Les plus méticuleux, ceux qu’on appelait les coquets, les maniaques du propre, arrivaient même à glisser discrètement un ou deux crampons entre les côtelettes d’un adversaire. Parait que c’était un peu douloureux, mais vous savez ce que c’est, faut toujours qu’il y en ait un ou deux qui se fassent remarquer ou qui chouinent pour une bricole. C’était franchement pas douloureux et la seule chose, à la limite qui pouvait t’arriver, c’est que tu te tordes une cheville en grimpant sur les côtes du gars d’en face.
Et maintenant, fini tout ça. Plus le droit. L’arbitre y veut plus, les caméras caftent tout, le public hurle à l’attentat… Et pourtant, tout ce cinéma qu’il faut faire maintenant pour nettoyer ses pompes de façon manuelle, franchement, je suis sûr que ça fait perdre un temps précieux sur le beau jeu…M’enfin

Iffic a écrit:: S’essuyer les crampons.

Vois-les faire de nos jours ces pauvres joueurs. Depuis qu’on n’a plus le droit de rien, ils sont obligés de se soutenir l’un et l’autre pour s’essuyer les crampons. Obligés de lever le pied et de se salir les mains (et les ongles) pour pouvoir tenir la route, pour pas déraper au premier virage. Enlever la boue des clous à la main. Quel malheur !
Les anciens n’ont jamais connu ça, tu penses bien. Avant ? Mais avant, c’était beaucoup plus simple. Si tu t’appliquais, et peu Importe l’état du terrain, t’avais jamais de boue sous les godasses. Elle avait pas le temps de s’accrocher. Il y en avait toujours un d’en face pour servir de paillasson. La belle époque ! En fonction de comment tu voulais nettoyer tes pompes, t’avais le choix et tu pouvais choisir une cuisse charnue, un bon vieux maillot en coton épais (efficace pour le fignolage), ou un crane dur au mal. Ça laissait à peine de traces et t’avais toujours le dessous des godasses nickel chrome. Les plus méticuleux, ceux qu’on appelait les coquets, les maniaques du propre, arrivaient même à glisser discrètement un ou deux crampons entre les côtelettes d’un adversaire. Parait que c’était un peu douloureux, mais vous savez ce que c’est, faut toujours qu’il y en ait un ou deux qui se fassent remarquer ou qui chouinent pour une bricole. C’était franchement pas douloureux et la seule chose, à la limite qui pouvait t’arriver, c’est que tu te tordes une cheville en grimpant sur les côtes du gars d’en face.
Et maintenant, fini tout ça. Plus le droit. L’arbitre y veut plus, les caméras caftent tout, le public hurle à l’attentat… Et pourtant, tout ce cinéma qu’il faut faire maintenant pour nettoyer ses pompes de façon manuelle, franchement, je suis sûr que ça fait perdre un temps précieux sur le beau jeu…M’enfin

"s'essuyer les crampons", l'équivalent du "s'essayer le grand pont" des footeux, ces gazelles qui ont peur des contacts

Plus de bruit.

Je n’ai jamais eu l’occasion de rentrer dans un vestiaire autre qu’un vestiaire de rugby. Je ne sais donc pas comment ça se passe ailleurs. Mais ici, je sais ! Et que ce soit au plus bas de l’échelle ou au plus haut du Top 14, que ce soit en cadets, en juniors ou en séniors, à un moment donné, c’est exactement partout pareil : ce moment ou il n’y a plus de bruit. Ce petit instant ou plus personne n’a à dire quelque chose. Les coachs ont fait leur boulot, le capitaine a joué son rôle, les dirigeants ont donné ce qu’il y avait à donner, le soigneur ou le kiné ont strappé tout ce qui était stappable.
Et à partir de là, plus une parole, presque plus un bruit. Même les mélomanes ont rangé leurs casques. Chacun assis à sa place, toujours la même, souvent dans le même ordre. Certains la tête basse, d’autres qui se cachent le visage de leurs mains, d’autres encore, yeux fermés se remémorent ce qu’ils doivent faire, les combinaisons en touche, derrière, ou en mêlée. Tout revisualiser, tel des voltigeurs avant la démonstration. On cherche le regard de son vis-à-vis pour lui faire comprendre qu’on est prêt, qu’il peut compter sur nous. Dernier échauffement du cou, des cervicales. Etirements du haut du corps, dérouillage des doigts et des poignets….
C’est maintenant qu’on a peur. Peur de ne pas être à la hauteur, peur de se rater, peur de décevoir. Peur de tout, sauf des autres en face. Deux bras, deux jambes, comme nous, mais en moins bien. Obligé !
Plus personne ne parle et le dirigeant qui ramasse ses affaires le fait en silence pour ne pas déranger. Quelques petits bruits de crampons sur le carrelage en signe d’impatience. Chacun son rituel, ses habitudes : remonter les chaussettes au même niveau, mâchouiller son protège-dents et attendre.
Attendre le coup de sifflet de l’arbitre qui arrivera du fond du couloir.. Allez !

Le couloir.

Parce que, l’arbitre vient de siffler. Fort, bien fort pour qu’on l’entende des vestiaires. Et nous qui étions dans nos dernières pensées, nos dernières consignes, nos derniers silences, nous nous sommes levés comme un seul homme. Le capitaine a hurlé : « c’est maintenant ! » et nous l’avons suivi. Toujours dans le même ordre. Lui devant et du 1 au 15 à la suite. Les remplaçants, sortis juste avant, nous attendaient dans le couloir, pour un dernier encouragement, une petite tape sur la tête ou sur l’épaule. Ces remplaçants qui, bien que déçus de ne pas être titulaires, faisaient eux aussi parti dans le groupe et restaient prêts à rentrer à tout moment.
Notre équipe en premier, prêts à rentrer sur le terrain quand on jouait à l’extérieur. Ceux qui nous accueillaient prenaient leur temps en nous faisant patienter le plus longtemps possible. Une vieille technique bien connue de tous, vu que quand on jouait chez nous, on faisait pareil.
Le capitaine s’est retourné pour voir si tous avaient l’air concerné. Une dernière consigne, des histoires de promesses et de choses qu’on s’est dites.
Et les autres arrivent, puissants, méchants. Les gros avec la bouille tartinée de vaseline, le bandeau pour les oreilles serré au max. On ne le regarde pas. Ils ne nous regardent pas. Pas d’affrontement direct. Chacun son coté du mur et entre les deux équipes, les coachs, soigneurs et dirigeants se faufilent pour s’installer dans la cabane du bord de terrain. L’arbitre est au milieu. Plein centre et vérifie que tout le monde est bien là. La colonne de joueurs se resserre. Besoin de se toucher, de sentir son équipier de devant pour lui faire comprendre qu’il peut autant compter sur toi que tu peux compter sur lui. L’arbitre nous demande enfin de rentrer et comme c’est de rigueur, les visiteurs sortent en premier, histoire de bien écouter la petite bronca qui vient des tribunes. Avant, les joueurs sortaient tels des fous furieux et laissaient la moitié de leur énergie pour faire croire qu’ils étaient prêts. Maintenant, on sort en marchant ou en trottinant, et on va se placer du bon coté en attendant les adversaires que le speaker annonce en réveillant le public… Ils sortent sous les hourras et vont se placer en face…
Le match peut commencer..

L’entorse de la cheville.

Une jolie blessure banale, vu qu’on on y est quasiment tous passé un jour ou l’autre, que l’on ait fait du rugby ou même un vrai sport. Mais là où c’est drôle, c’est qu’en fonction du niveau ou on a joué, on n’a pas vécu cette blessure de la même façon. Plus t’as joué haut, plus c’est grave et moins ça dure longtemps. T’as compris la subtilité ? Alors j’explique avec des images, ça sera plus simple.
Situation 1 : Match de haut niveau (genre jusqu’à la Nationale) : un joueur marche sur le pied d’un autre et sa cheville vrille. Résultat : douleur, médecin ou kiné, évacuation sur brancard et pour finir, diagnostic fait par le médecin officiel et si possible devant les caméras. Ils appellent ça, le point infirmerie : « Suite à une anodine action de jeu, Bidule souffre d’une lésion due à un étirement du ligament interne au niveau de l’articulation talo-crurale, avec apparition d’un œdème nécessitant une compression et une interdiction d’appui sur la jambe atteinte. Un période de repos avec prise en charge du staff médical est préconisé pour 10 jours avant une reprise des entrainements collectifs. Un retour à la compétition est envisagé sous 3 semaines. Résultat, si on n’a pas fait les deux premières années de médecine, on n’a rien compris à part que le mec boite et qu’il faudra attendre au moins 3 semaines pour le revoir jouer.
Situation 2 : même topo sauf que le match est un match qui va de la fédérale1 à la promotion d’honneur : un joueur marche sur le pied d’un autre joueur et sa cheville vrille : Résultat : douleur, soigneur, évacuation par deux co-équipiers qui le soutiennent. Pour le diagnostic, soit le mec va aux urgences et tout le monde sait que les Urgences le dimanche en fin d’après-midi, ça dure des plombes. Soit il attend le lendemain et la plage horaire réservée aux joueurs du club par le kiné pour en savoir un peu plus. En attendant, il passe sa soirée avec de la glace sur la cheville et le lendemain le kiné lui explique qu’il a une bonne entorse, que rien n’a l’air trop touché : « t’évites de poser le pied par terre pendant deux ou trois jours, et dès la semaine prochaine, tu viendras renforcer ta cheville au cabinet et on fera un peu d’électricité. Dans un mois et demi, tu pourras rejouer tranquille ».
Et enfin, Situation 3. Re-même topo, mais là, on parle d’un bon vieux match de Série. Un joueur marche sur le pied d’un autre et sa cheville vrille. Résultat : bagarre générale parce que forcément, c’était fait exprès, douleur, soigneur. « Blablabla, arrêtes ton cinéma, tu t’es juste tordu le pied, il est même pas bleu et ça saigne même pas ». Un coup de bombe de froid et ça repart. Tant que c’est encore chaud, t’as pas mal. Et vu que le mec boite encore pas mal le dimanche d’après, on le mettra remplaçant et il fera la touche, ça sera plus tranquille pour lui et il fera le nombre pour la feuille.
6 mois plus tard, un spécialiste de la cheville lui explique que le sport pour lui, c’est terminé, que ses ligaments sont plus que distendus et qu’il fera un vilain vieux avec plein de vieilles douleurs.. Pas grave, il aura le temps d’avoir mal quand il aura vraiment arrêté. Un strap d’elasto et un peu de pommade plus tard, notre gars retourne au charbon comme si de rien n’était… Le coach lui a toujours dit qu’il était la cheville ouvrière de l’équipe, et faut pas décevoir.
Voilà, trois situations différentes pour trois fois la même blessure, et la seule fois ou ça sera pareil pour tout le monde, c’est que quand, l’âge aidant, arrivera les premiers froids et la saison humide, cette putain cheville se rappellera à leurs bons souvenirs…

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